Le rôle des citations chez La Mothe Le Vayer: érudition et éclectisme

Ioana Manea
Université de Paris IV
Abstract

Compared to Plutarch because of the erudition which he uses in his works, La Mothe Le Vayer is nevertheless accused of pedantry by some of his contemporaries. The quotations which he inserts in his works are disliked by the writers who believe that French alone should be used in literary works. However, the quotations which he owes exclusively to his scholarly leisure allow him to express his eclectic thinking. Deeply influenced by Pyrrhonism, he is not interested in drawing permanent conclusions and in choosing one amongst the different opinions on the same natural or moral phenomenon. The quotations make it possible for him to gather various interpretations of the same natural or moral phenomena which have been considered the most plausible at a certain moment and place.

1. Comparé à Plutarque en raison de l’érudition dont il se sert pour rédiger ses ouvrages[1], La Mothe Le Vayer n’est pas pour autant au goût de tous ses contemporains : les citations qu’il utilise pour étoffer ses écrits sont considérées comme une marque de pédantisme[2] par les milieux lettrés qui, sans renier les modèles de la rhétorique classique, sont de plus en plus sensibles à l’emploi du français comme langue littéraire. Conscient des objections que son écriture peut soulever, La Mothe Le Vayer plaide à plusieurs reprises pour l’usage des citations. Ainsi, par exemple, comme le démontre Marc Fumaroli, notre auteur est l’un des protagonistes de la “querelle des citations”, qui précède l’apparition d’“un débat critique sur le “'meilleur style' en prose française[3]”. Dans les Considérations sur l’éloquence française de ce tems, parues en 1638, La Mothe Le Vayer justifie l’insertion des citations dans les œuvres littéraires et, défendant la tradition des magistrats humanistes français du XVIe siècle[4], tente d’éviter la séparation de la littérature et de l’érudition.
Élu à l’Académie française en 1639, précepteur du futur Louis XIV aussi bien que de son frère cadet[5], La Mothe Le Vayer ne cache pas sa passion d’écrire : la “demangeaison d’écrire” qui le domine et qui l’incite, de manière auto-ironique, à “barbouill[er] un peu de papier”, est similaire à la “morsure de la Tarentule, qui fait danser tous les ans, dit-on, ceux qui en ont été piqués une fois, sans qu’ils s’en puissent empêcher[6]”. Synonyme du savoir au sens large, ou, dans un sens plus restreint, de la connaissance dans le domaine des belles lettres[7], l’érudition représente, selon La Mothe Le Vayer, un élément essentiel des ouvrages littéraires qui sont dignes de retenir l’attention des lecteurs : avant de mettre la main à la plume, les écrivains sont censés acquérir une vaste science du sujet dont ils se proposent de traiter, qui n’exclut pas les connaissances rares[8]. De ce fait, un esprit désireux de laisser derrière lui une œuvre susceptible d’immortaliser son “beau nom” doit se nourrir d’études. Lorsqu’il s’agit d’évoquer la valeur des livres, La Mothe Le Vayer se sert, entre autres, de métaphores culinaires. Pour illustrer sa bonne opinion d’un ouvrage qu’il vient de lire, La Mothe Le Vayer mentionne les “friandes & succulentes viandes” qu’il contient en abondance[9]. Pour mettre en évidence la hiérarchie des différents types d’études, qui ne méritent pas tous la même application de la part des lettrés, il fait allusion aux “viandes qui ne doivent servir que de sause, & qui ne se prennent point pour nourriture”, car elles sont destinées uniquement à “assaisoner le reste[10]”. Ainsi, avant de commencer la rédaction d’un ouvrage, les hommes de lettres ont le devoir de faire provision de connaissances, de même que le ver à soie, qui « ne se met à filer qu’après s’être nourri de feüilles » pendant longtemps[11]. Toutefois, il ne s’agit pas de concevoir un livre en se contenant de réunir les citations que l’on peut aisément puiser dans les Polyanthea inventés par les humanistes, les anthologies comme les Pensées ingénieuses du P. Bouhours, ou les Bibliothèques, qui se proposent de recueillir les meilleurs extraits d’auteurs chrétiens ou gréco-romains[12]. La Mothe Le Vayer soutient que les écrivains doivent choisir eux-mêmes les citations dont ils décident de se servir dans leurs œuvres.

2. Du reste, la sphère dont relèvent ses lectures est assez large. Il est passionné par les récits de voyages, qu’il considère comme les “Romans des Philosophes aussi-bien que des hommes de quelque étude[13]” : ils lui permettent, “sans courir toutes les fortunes des voiages de long cours”, non seulement d’observer, tranquillement assis dans son cabinet, “ce que ceux qui les ont faits, ont observé de plus singulier[14]”, mais aussi d’accomplir la mission des hommes au monde, qui consiste à “en contempler les merveilles, qui ne se voient nulle part ni en si grand nombre, ni si bien expliquées que dans ces livres de voiages[15]”. La Mothe Le Vayer est également au courant des changements qui, à son époque, ont lieu dans le domaine de la philosophie naturelle et des belles lettres. Ce faisant, il rejette le stéréotype sur la dégénérescence de l’humanité : “Cessons donc ces plaintes injustes de la Nature, et quittons cette erreur populaire, qui nous fait admirer les siecles passez, et mépriser le present[16]”. Ayant un temps immuable en arrière-fond[17], les découvertes du présent sont comparables à celles du passé. Bien qu’il n’ignore pas les innovations en matière d’astronomie ou de médecine, La Mothe Le Vayer se préoccupe davantage de celles qui font leur apparition dans la République des Lettres. D’ailleurs, il pense que leur valeur est similaire, voire supérieure à celle des récentes découvertes géographiques[18]. Ainsi, il remarque les romans intitulés Clélie et Artamène qui, à son avis, surpassent non seulement les ouvrages similaires hérités des Grecs ou Romains anciens, mais aussi ceux des Italiens, Anglais ou Français modernes. En grand connaisseur de la littérature “Erotique”, il trouve que les deux romans de Madeleine de Scudéry se singularisent à travers une “gentillesse & une pointe d’esprit” qui rendent inégalables les “entretiens miraculeux” qu’ils racontent[19]. Tout en étant réceptif aux livres des écrivains, philosophes ou explorateurs contemporains, La Mothe Le Vayer préfère les écrits des Anciens, qui, grâce à un “je ne sai quoi”, “le charme[nt] tout autrement que les nouveaux[20]”. Malgré les prétentions des savants modernes, le savoir continue à être dominé par cinq ou six auteurs de la Grèce et de la Rome antiques, dont les œuvres, synonymes du “grand chemin des Sciences”, évitent à ceux qui s’y intéressent de s’égarer en suivant des “sentiers particuliers[21]”. La science des Anciens est susceptible d’épargner aux savants qui s’en préoccupent les recherches vaines, comme celles de la pierre philosophale, de la plupart des novateurs de l’époque, ou des individus qui “se perdent misérablement” en prétendant suivre des voies surnaturelles et métaphysiques[22]. Par ailleurs, en dépit de son intérêt pour l’héritage du passé, La Mothe Le Vayer ne renonce pas à toute distance critique, car il refuse de s’enthousiasmer pour “toute sorte d’antiquailles”, dont le seul mérite est l’ancienneté[23].

3. Aussi avide qu’il soit de lecture, notre érudit ne la confond pas pour autant avec l’étude, puisque, selon lui, la lecture doit être obligatoirement accompagnée de méditation. Le “précieux thresor” que les hommes de lettres sont censés amasser est constitué de réflexions singulières qu’ils recueillent au cours de leurs veilles studieuses. Leur “grand sécret” consiste à conserver avec soin les pensées inédites que leur “imagination” développe lorsqu’ils lisent et d’élargir toute de suite la sphère des raisonnements auxquels elles donnent naissance. L’érudition n’est pas d’ordre quantitatif, mais qualitatif, car il est question non pas de “savoir plus que les autres, mais seulement de savoir mieux qu’eux”. Les recherches des lettrés que La Mothe Le Vayer se plaît à évoquer sont caractérisées par la profondeur. L’image traduisant le mieux les résultats du repos studieux qui sont à souhaiter ne participe pas des “pierres remarquables” et des “agréable[s] coquillage[s]” que l’on trouve facilement au bord de la mer, mais des coraux, voire des perles que l’on retire du fond de la mer avec application et ingéniosité. Loin de se limiter à la compilation des citations à partir des florilèges, un petit nombre de savants parviennent à déceler le sens caché des œuvres des grands auteurs. Un nombre encore plus restreint des “hommes d’étude” découvrent des idées nouvelles, qui, parfois, n’ont été envisagées même pas par les auteurs des textes se trouvant à l’origine de leurs méditations[24]. Du reste, La Mothe Le Vayer s’aperçoit que les activités intellectuelles qui, selon lui, doivent précéder l’écriture et qui procèdent notamment de la contemplation, peuvent prendre un certain temps : le mythique Saturne, qui gouverne traditionnellement “le temperament propre aux speculations sublimes & aux réveries ingenieuses, est le plus lent de toutes les planetes[25]”.
Analysant le rôle joué par la citation au XVIIe siècle, Bernard Beugnot rappelle qu’elle représente, d’une part, la “voie d’accès privilégiée à la tradition”, et, d’autre part, la “pratique qu’impose l’éducation dans l’établissement des recueils et des cahiers d’excerpta et que réclame l’exercice rhétorique[26]”. La citation appartient à un univers culturel qui est familier aux hommes de lettres et qui est susceptible de les rapprocher. Dans les Considérations sur l’éloquence française de ce tems, La Mothe Le Vayer met l’accent sur la conformité qui doit exister entre les ouvrages renfermant des citations et le niveau d’éducation du public auquel ils sont destinés. Ainsi, les sentences grecques ou latines sont inappropriées aux œuvres comme les romans, les “discours populaire[s]” ou les livres de piété, ayant été conçus pour un public large, qui n’est pas forcément cultivé. L’emploi des extraits d’auteurs grecs ou latins est justifié dans les écrits abordant des sujets qui, le plus souvent, n’intéressent que les érudits. Tout en désapprouvant la “sotte affectation” des écrivains qui font semblant de ne rien emprunter aux autres, La Mothe Le Vayer met l’accent sur l’honnêteté et la mesure qui doivent gouverner la conduite intellectuelle des savants ayant recours aux citations[27]. L’exemple des Politiques de Juste Lipse lui sert à critiquer la pratique du centon, qui consiste à composer un livre presque exclusivement des passages tirés de différentes sources : pareils aux “Vestes de plusieurs piéces & de diverses couleurs”, les six livres qui forment l’ouvrage que l’on vient de mentionner reposent sur les “textes de quantité de bons Auteurs”, cousus avec de “petits filets de son crû[28]”. Par ailleurs, La Mothe Le Vayer ne condamne pas seulement les écrivains publiant des livres qui se ramènent à un ensemble de citations, mais aussi les hommes de lettres s’attribuant des fragments, voire des œuvres entières qui ne leur appartiennent pas : le plagiat constitue un “larcin”, un “vice infame”, ou un “crime” et ceux qui utilisent des citations dans leurs œuvres sont tenus à en être reconnaissants et à en indiquer toujours l’origine[29]. La Mothe Le Vayer fait une distinction nette entre la faute commise par les écrivains qui pillent les Anciens et celle commise par les écrivains qui pillent les auteurs contemporains, qu’il juge infiniment plus grave:

Prendre des Anciens, & faire son profit de ce qu’ils ont écrit, c’est comme pirater au delà de la Ligne ; mais voler ceux de son siécle, en s’appropriant leurs pensées & leurs productions, c’est tirer la laine au coin des rues, c’est ôter les manteaux sur le Pont-neuf[30].

4. Mise en pratique, entre autres, par des autorités incontestables comme Sénèque, Cicéron, Pline ou Plutarque et critiquée par des écrivains médiocres, qui rejettent les modèles d’écriture qu’ils sont incapables d’imiter[31], l’utilisation des citations devrait être similaire au miel des abeilles : provenant d’une matière qui, au début, est étrangère à l’abeille, le miel finit, après des transformations successives, par être utile non seulement à celle qui le crée, mais aussi à tous les hommes[32]. La métaphore de l’abeille, que, tributaire de la théorie de l’innutrition développée par la Pléiade, Montaigne avait déjà évoquée dans les Essais[33], permet à La Mothe Le Vayer de mettre en relief l’usage que les lettrés sont censés faire des citations. Le rôle du savoir qui s’accumule depuis des siècles et de l’ampleur duquel les “fameuses Bibliotheques ” existantes en France, en Italie ou en Hollande peuvent donner une idée[34], n’est ni de décourager les savants, ni de les inciter à être les imitateurs serviles de leurs prédécesseurs. À travers un topos bien connu, attribué à Bernard de Chartres et rapporté au XIIe siècle par Jean de Salisbury, les hommes de lettres sont comparés à des “Nain[s] monté[s] sur les épaules [des] Géant[s][35]” : ils s’insèrent ainsi dans une tradition qu’ils ne doivent pas seulement connaître et apprécier, mais aussi enrichir. Les écrivains aspirant à être estimés par la postérité sont tenus à “ruminer” la science qu’ils trouvent dans les livres afin d’être aptes à se l’approprier et à lui “donne[r] une grace, qui ait quelque air de nouveauté[36]”, lorsqu’ils s’en servent pour leurs ouvrages. C’est souvent par vanité et en dépit du bon sens que les Modernes rejettent l’héritage des Anciens, car, selon La Mothe Le Vayer, on peut être Moderne tout en mettant à profit le legs des Anciens[37]. D’ailleurs, dans des domaines comme la philosophie morale, les Modernes ne peuvent pas faire abstraction des conclusions auxquelles les Anciens sont arrivés en réfléchissant sur les mêmes questions qu’eux:

Faites si bien que vous voudrés, vous ne sauriés travailler que sur la matiere des Anciens ; ni debiter d’autres sentiments que les leurs ; l’importance est de les mettre bien en œuvre ; & vous les pouvés même rendre vôtres par la belle application[38].

Du reste, les citations qui proviennent du latin et du grec, aussi bien que de l’italien ou de l’espagnol et dont La Mothe Le Vayer dispose librement, car il les a “acheté[e]s au prix de ses veilles[39]”, remplissent plusieurs fonctions. Se fondant sur une lettre adressée à Donneville par Paul Pellisson, Bernard Beugnot met en lumière ““quatre manières d’alléguer un passage”” au XVIIe siècle, parmi lesquelles les deux dernières sont susceptibles de coïncider : il s’agit, d’une part, de la citation jouant le rôle d’“argument d’autorité” ou d’“ornement du discours” et, d’autre part, de la “citation détournée”, dont le sens est intentionnellement distinct de celui qu’elle avait dans le contexte initial[40].

5. En ce qui le concerne, La Mothe Le Vayer n’hésite pas à invoquer à l’appui de ses opinions l’autorité des auteurs dont la renommée est incontestable : les extraits des “grands personnages” lui donnent la possibilité soit d’affermir sa vision des sujets abordés, soit de défendre des idées raisonnables et d’éviter d’“écrire des sottises de son crû[41]”. Tout en considérant que les pensées qui sous-tendent l’écriture sont plus importantes que leur expression[42], La Mothe Le Vayer n’est pas complètement indifférent à la manière dont elles sont exprimées : pareillement aux vins qui, en changeant de récipient, perdent la “meilleure partie de ce qu’ils ont de spirituel & de genereux”, les passages tirés des “meilleurs Auteurs”, qui “sont si exprès, & si significatifs en leur langue”, sont dépourvus, après la traduction, de “quasi toute la grace & la force qu’ils possedoient auparavant[43]”. Par ailleurs, dans le préambule de la dernière partie de l’ouvrage intitulé La Promenade. Dialogues, La Mothe Le Vayer rappelle aux lecteurs que, lorsqu’il est question de l’interprétation d’un texte, la méthode à suivre consiste à ne jamais sortir les mots de leur contexte et à toujours tenir compte de l’intention de celui qui l’a écrit[44]. Néanmoins, lorsqu’il est question de l’usage qu’il fait des citations, notre écrivain ne déguise pas la fierté de pouvoir leur donner un sens nouveau, différent de celui qu’elles avaient dans les ouvrages qui ont représenté sa source d’inspiration[45]. Ce faisant, La Mothe Le Vayer ne craint pas de tirer profit de son érudition afin d’exprimer des opinions “libertines”, qui obéissent uniquement à l’autorité de sa propre raison : tout en s’attaquant aux “erreurs, sottises et impertinences” des opinions généralement reçues et à “l’opiniastreté invincible avec laquelle elles sont si aveuglément soustenuës”, il ne cache pas la “submission de [son] esprit aux choses divines[46]”.
En outre, par une certaine coquetterie, La Mothe Le Vayer n’hésite pas à qualifier de “paresse” son refus de traduire les citations. Vaquant à l’écriture surtout pendant les moments de loisir, il fait semblant de rendre les pensées telles qu’elles lui viennent à l’esprit et telles qu’elles lui sont fournies par la mémoire, sans prendre toujours la peine de trouver la forme qui leur convient le mieux en français[47]. Figurant dans l’avant-propos des dialogues que La Mothe Le Vayer choisit en raison de la liberté de pensée et d’expression qu’ils rendent possible[48], cette manière de justifier l’emploi des citations est susceptible de dissimuler aux lecteurs le concept de “négligence diligente”. Propre à la manière dont notre écrivain exploite l’érudition et développé dans un ouvrage théorique, Considérations sur l’éloquence française de ce tems, le concept que l’on vient d’évoquer constitue un “heureux compromis entre le souci d’élégance et l’aisance du naturel”. Représentant la traduction d’une expression cicéronienne, la neglegentia diligens, et apparenté à la sprezzatura de Castiglione, il se rapproche du “naturel” classique, qui désigne un art tellement parfait qu’il peut passer inaperçu[49]. Quoiqu’il prétende être insensible à la réception que le grand public réserve à ses ouvrages, La Mothe Le Vayer n’est pas complètement étranger aux normes esthétiques de son époque. La “négligence diligente” est une concession qu’il fait à l’“honnête homme”, qui constitue l’idéal humain en vogue parmi ses contemporains et qui pratique “l’art de ne se piquer de rien” : inconciliable avec la pédanterie et soucieux de plaire, cet art relève, selon Emmanuel Bury, d’“une véritable amnésie maîtrisée[50]”. La Mothe Le Vayer s’aperçoit que, tout en étant nécessaire à un bon ouvrage, si elle est trop abondante, l’érudition peut lui nuire et aboutir à un résultat contraire à celui recherché par le savant qui s’en sert[51].

6. Par ailleurs, la réunion de citations que l’on retrouve dans les ouvrages de La Mothe Le Vayer est susceptible de refléter sa pensée éclectique[52]. En tant qu’auteur s’appropriant ce qu’il trouve de profitable dans ses lectures, notre écrivain semble suivre l’exemple des filles qui se parent des fleurs qu’elles cueillent lors de leurs promenades dans des beaux jardins[53]. En tant que penseur, il compose sa philosophie par analogie avec le miel : de même que le “bon miel”, qui “se fait du suc recueilli de diverses fleurs”, “la meilleure Philosophie se forme de sentences bien choisies de divers systemes[54]”. Ainsi, la manière dont La Mothe Le Vayer perçoit le monde est fondée sur ce que les différents systèmes de pensée destinés à rendre compte de l’univers ont de plus vraisemblable. Son écriture combine, au-delà des barrières de temps ou d’espace, les visions de la nature et de la vie humaine qui ont été les plus probables au moment et à l’endroit où elles sont apparues. Du reste, La Mothe Le Vayer n’essaie pas d’être exhaustif et de mettre ensemble toutes les perceptions d’un même phénomène moral ou naturel : ce désir irait à l’encontre de la modération qui est l’une des vertus essentielles à un philosophe[55].
En conservant les interprétations d’un fait qui sont ou qui ont été considérées comme les plus vraisemblables, La Mothe Le Vayer reste conséquent avec la “reserve” tenant au pyrrhonisme qui lui est cher. Susceptible d’invoquer en sa faveur des autorités comme saint Paul ou saint Denys l’Aréopagite, le pyrrhonisme “circoncis” de notre auteur, dont les “défiances meurent au pied des Autels[56]”, met en doute la capacité des doctrines philosophiques de donner des explications totalisantes et définitives du monde : “Toutes ces Philosophies qui se vantent de pouvoir discerner le vrai & le certain des choses, sont des Charlatanes qui promettent beaucoup plus qu’elles ne peuvent tenir [...][57]”. Les diverses théories philosophiques se discréditent en se contredisant non seulement les unes les autres, mais aussi elles-mêmes. Encore qu’il désapprouve les prétentions des philosophies dogmatiques de posséder la vérité, La Mothe Le Vayer est loin de tomber dans le piège de la misologie[58] : emprunté au Phédon de Platon, ce terme désigne le “mépris du raisonnement” et accompagne la misanthropie, ou la “haine du genre humain[59]”. Notre philosophe considère que l’état d’incertitude qui est propre aux sceptiques pyrrhoniens et qui résulte d’un doute doutant de tout, y compris de lui-même, est susceptible de devenir un vice s’il est poussé à son point extrême et s’il n’est pas limité par l’acceptation du vraisemblable[60]. Ainsi, il semble pencher tantôt pour le pyrrhonisme, tantôt pour le scepticisme de la Nouvelle Académie, qui soutient que, du fait que la vérité leur est inaccessible, les hommes doivent se contenter du vraisemblable. La Mothe Le Vayer partage l’opinion de Carnéade, le “Fondateur de cette renommée Academie [Nouvelle Académie]”, selon lequel “si toutes choses sont incomprehensibles à nôtre esprit trop limité pour les connoitre, ce n’est pas à dire, que toutes ces mêmes choses soient absolument incertaines[61]”. Quoiqu’il donne son assentiment à la vraisemblance, La Mothe Le Vayer ne renonce pas à la suspension du jugement qui est typique du pyrrhonisme[62]. Il est prêt à tout moment à renoncer à une conception qu’il a tenue pour vraisemblable, en faveur d’une autre qui, même si elle est contraire à celle qu’il a épousée auparavant, lui semble plus vraisemblable :

Je philosophe au jour la journée ; & si je suis présentement d’un avis, c’est avec protestation, que j’en changerai dans une heure, & toutes les fois, qu’on me fera paroitre plus de vraisemblance dans l’opinion contraire[63].

7. La souplesse qui, dans la vision de La Mothe Le Vayer, caractérise les “meilleur[s] esprit[s]”, est spécifique de la conduite intellectuelle des “Sceptiques” : pareils à des “amphibies”, qui n’ont pas de peine à passer d’un élément à l’autre, les “indifférens” dont La Mothe Le Vayer fait lui-même partie adoptent les opinions “tantôt des uns, tantôt des autres”, sans jamais favoriser les uns ou les autres[64]. Notre sceptique “réserve toûjours la faculté aux pensées de nuit, de corriger celles du jour, si elles le jugent à propos[65]” : il peut désavouer facilement ses opinions, sur le bien-fondé desquelles il ne se fait pas d’illusions. Quoiqu’il choisisse à un moment donné un point de vue particulier sur une question, il ne conteste pas l’intérêt que les autres perceptions de la même question peuvent présenter. D’ailleurs, un jour, il pourrait même se laisser convaincre par certaines d’entre elles : au fond, en tant que sceptique, il “s’accommod[e] paisiblement par tout, où il trouv[e] non pas le vrai, ni le certain, mais seulement les apparences d’un discours raisonnable[66]”. De plus, l’adhésion passagère de La Mothe Le Vayer à l’interprétation particulière d’un phénomène ne trouble pas sa tranquillité d’esprit. Le “doux repos” évoqué par notre écrivain dérive de la suspension du jugement qui, entre autres, évite de faire la hiérarchie des explications concurrentes de l’univers. L’epokhê dont La Mothe Le Vayer décrit les effets bénéfiques n’est pas incompatible avec l’éclectisme pour lequel ses personnages manifestent leur sympathie. Bien que, pour la création des acteurs qui animent ses dialogues, l’auteur s’inspire parfois des personnes réelles, il n’hésite pas à leur attribuer ses propres idées[67]. Ainsi, il donne son assentiment à la philosophie que Potamon d’Alexandrie avait nommée “eslective”, parce qu’elle “faisoit choix de ce qui luy plaisoit en toutes les autres, dont elle composoit son systeme à part[68]”. À l’opposé de la démarche intellectuelle qui est propre aux philosophes dogmatiques et qui consiste à défendre une opinion précise, la “méthode” que suit La Mothe Le Vayer lorsqu’il s’adonne à ses réflexions consiste à “promener un sujet par tous les lieux catégoriques, & par toutes les Topiques qu’enseigne une méditation bien ordonnée[69]”.

8. La pensée de La Mothe Le Vayer qui, en raison de sa souplesse, peut épouser une multitude d’opinions vraisemblables, choisit comme moyen d’expression une plume qui est capable de changer souvent d’aspect : “& je veux, que ma plume ressemble à celle du Paon, qu’elle soit susceptible de toutes couleurs, & qu’elle change comme elle, si le cas y échet aussi souvent qu’elle remuëra[70]”. Notre écrivain a recours aux citations non pas pour étaler son érudition, mais pour rendre la richesse de ses pensées, que le français n’est pas toujours capable de traduire : paraphrasant Aristote qui donnait des arguments en faveur des métaphores, La Mothe Le Vayer soutient que l’utilisation des “termes d’une langue, soit ancienne, soit moderne” est justifiée par la disproportion entre le nombre infini d'idées qu’un auteur veut transmettre aux lecteurs et le nombre de mots par définition fini dont sa langue maternelle dispose[71]. Tout en condamnant les “diarrhées spirituelles[72]”, La Mothe Le Vayer admet que la “superfluité” appelée pléonasme par les Grecs et redondance par les Latins peut être l’ “une des vertus du discours, lorsqu’elle sert à l’ornement du langage, ou à l’expression de la pensée[73]”. Les extraits des grands auteurs ont “la force du témoignage, ou de l’autorité, sans parler de celle de l’expression[74]”. Les proverbes, qui peuvent instruire les princes aussi bien que les “moindres artisans”, “contiennent en peu de mots ce que les diverses Nations, qui les ont produits, avoient de récommandable[75]”. Les passages tirés d’ouvrages faisant autorité, les proverbes ou les sentences permettent à La Mothe Le Vayer de réunir les opinions qui ont été les plus probables au moment où elles ont été rédigées ou prononcées. Loin de reposer uniquement sur des idées originales, l’éloquence qui correspond à l’éclectisme de notre écrivain consiste à “[savoir] le mieux rapporter & mettre en un, ce que les plus beaux esprits ont pensé devant lui sur le sujet dont il voudra parler[76]”.

Notes

[1] Évoquant La Mothe Le Vayer dans le livre intitulé Les hommes illustres qui ont paru en France pendant le XVIIe siecle, [1696-1700], La Haye, P. de Hondt, 1736, 2 vol., t. II, p. 130-131, Charles Perrault soutient que :
“Il n’y a presque point de matière de celles qui meritent l’attention & l’examen d’un homme de Lettres, & particulierement de questions de Morale dont il [La Mothe Le Vayer] n’ait écrit, & sur lesquelles il n’ait rapporté presque tout ce qui a este dit par les Anciens & par les Modernes ; on le regarde comme le Plutarque de nostre siecle, soit pour son érudition qui n’a point de bornes, soit pour sa maniere de raisonner & de dire son sentiment, [...]”
Tout en reconnaissant les mérites de La Mothe Le Vayer, D’Olivet est néanmoins plus réservé que Charles Perrault. Voir D’Olivet, Histoire de l’Académie française, [1729], II. Depuis 1652 jusqu’à 1700, Paris, J. B. Coignard, 1743, p. 136 :
“Il [La Mothe Le Vayer] a tout embrassé dans ses écrits, l’ancien, le moderne, le sacré, le profane, mais sans confusion. Il avoit tout lu, tout retenu, & fait usage de tout. Si quelquefois il ne tire point assez de lui-même, pour se faire regarder comme un auteur original ; du moins il en tire toujours assez, pour ne pouvoir être traité de copiste, ou de compilateur ; & sa mémoire, quoiqu’elle brille par-tout, n’efface jamais son esprit.”

[2] Dans l’essai “Les abeilles et les araignées”, qui précède l’anthologie intitulée La Querelle des Anciens et des Modernes, éd. établie et annotée par Anne-Marie Lecoq, Paris, Gallimard, 2001, p. 37-38, Marc Fumaroli rappelle que “la notion de “pédant”, inventée par les humanistes italiens du XVIe siècle, [...] désignait chez eux un Don Quichotte livresque, étranger à sa propre époque et niaisement idolâtre d’une Antiquité scolaire dont il faisait son gagne-pain”.

[3] Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, [1980], Genève, Droz, 2002, p. 605.

[4] Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, p. 607-608.

[5] Voir Florence Wickelgren, La Mothe Le Vayer, sa vie et son œuvre, Paris, Droz, 1934.

[6] La Mothe Le Vayer, Que les doutes de la Philosophie Sceptique sont de grand usage dans les sciences, [1669], dans Œuvres, Dresde, Michel Groell, 1756-1759, (7 volumes, chacun d’entre eux étant composé de 2 parties), V/II, (ici et après le premier chiffre renvoie au volume, le deuxième à la partie), p. 13-14.

[7] L’entrée “érudition” est définie comme “savoir, doctrine, science” par le Dictionnaire françois de Richelet (Genève, J. H. Widerhold, 1680) ou comme “science, doctrine” par le Dictionnaire universel de Furetière (La Haye, A. & R. Leers, 1690). La définition qui lui correspond dans le Dictionnaire de l’Académie française (Paris, J. B. Coignard, 1694) est soit de “scavoir, connoissance dans les belles lettres”, soit de “remarque, recherche curieuse”.

[8] La Mothe Le Vayer, Lettre CXXIII. Du mérite d’un livre, dans Œuvres, VII/I, p. 373-374.

[9] La Mothe Le Vayer, Lettre CXXIII. Du mérite d’un livre, p. 378.

[10] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, dans Opuscules ou petits traitez, [1643-1647], Œuvres, II/II, p. 504.

[11] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 504-505.

[12] Voir Bernard Beugnot, “Dialogue, entretien et citation à l’époque classique”, dans Revue canadienne de littérature comparée, hiver 1976, p. 40.

[13] La Mothe Le Vayer, Neuviéme homilie académique. Réflexions Sceptiques, dans Discours, ou homilies académiques, [1664-1666], Œuvres, III/II, p. 130. Il faudrait mentionner que La Mothe Le Vayer range les romans parmi les divertissements faciles, qui sont accessibles à tout le monde et qui “ne vise[nt] qu’à plaire”. Voir La Mothe Le Vayer, Observations diverses sur la composition, & sur la lecture des Livres, [1668], dans Œuvres, II/I, p. 370-374.

[14] Marcus Bibulus, dans La Mothe Le Vayer, La Promenade. I Dialogue, La Promenade. Dialogues, [1662-1663], Œuvres, IV/I, p. 29-30.

[15] La Mothe Le Vayer, Lettre LXXXIX. Remarques géographiques, dans Œuvres, VI/II, p. 354.

[16] Philonius, dans La Mothe Le Vayer, Dialogue sur les rares et eminentes qualitez des asnes de ce temps, Dialogues faits à l’imitation des anciens, [1630-1631], éd. par André Pessel, Paris, Fayard (coll. Corpus des œuvres de philosophie en langue française), 1988, p. 153.

[17] Voir Gianni Paganini, “Temps et histoire dans la pensée libertine”, dans Archives de philosophie, no 49, 1986, p. 583-602.

[18] La Mothe Le Vayer, Vint-deuxiéme homilie académique. Des Auteurs, dans Œuvres, III/II, p. 353-354.

[19] La Mothe Le Vayer, Lettre XCVIII. Du Souvenir, dans Œuvres, VII/I, p. 70-72.

[20] La Mothe Le Vayer, Observations diverses sur la composition, & sur la lecture des Livres, p. 354. Voir, à propos de la même prédilection pour les Anciens, La Mothe Le Vayer, Prose chagrine, [1661], dans Œuvres, III/I, p. 285.

[21] La Mothe Le Vayer, Doute sceptique. Si l’étude des Belles Lettres est préférable à toute autre occupation, [1667], dans Œuvres, V/II, p. 371 et VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 498.

[22] La Mothe Le Vayer, Dixiéme homilie académique. De la Philosophie, dans Œuvres, III/II, p. 158.

[23] La Mothe Le Vayer, De la lecture de Platon, & de son Eloquence, dans Opuscules ou petits traitez, Œuvres, II/II, p. 19.

[24] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 498-500.

[25] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 506. Voir, à propos du lien entre Saturne et les hommes de génie, le Problème XXX, attribué à Aristote par Sénèque, Plutarque et Aristote.

[26] Bernard Beugnot, “Dialogue, entretien et citation à l’époque classique”, p. 40.

[27] La Mothe Le Vayer, Considérations sur l’éloquence française de ce tems, dans Œuvres, II/I, p. 282-283.

[28] La Mothe Le Vayer, Vint-deuxiéme homilie académique. Des Auteurs, p. 352.

[29] La Mothe Le Vayer, Vint-troisiéme homilie académique. Contre les plagiaires, dans Œuvres, III/II, p. 374, “Préface” aux Homilies ou discours académiques, IIIe partie, p. 295, Doute sceptique. Si l’étude des Belles Lettres est préférable à toute autre occupation, p. 403-404.

[30] La Mothe Le Vayer, Lettre CXXXIX. Des scrupules de grammaire, dans Derniers petits Traités, en forme de Lettres écrites à diverses personnes studieuses, [1660], Œuvres, VII/II, p. 142. Tirée du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (art. Éphore), cette citation sera utilisée par De Jaucourt pour définir le “plagiarisme” dans l’Encyclopédie dirigée par Diderot et D’Alembert.

[31] La Mothe Le Vayer, Lettre I. Du sujet de ces lettres, dans Petits Traités en forme de Lettres, écrites à diverses personnes, [1647], Œuvres, VI/I, p. 11-12.

[32] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 518-519.

[33] Bernard Beugnot, “Dialogue, entretien et citation à l’époque classique”, p. 41. En ce qui concerne la métaphore de l’abeille chez Montaigne, voir Les Essais, I, 26, éd. Villey-Saulnier, Paris, PUF, 2004, p. 152:
“Les abeilles pillotent deçà delà les fleurs, mais elles en font après le miel, qui est tout leur ; ce n’est plus thin ny marjolaine : ainsi les pieces empruntées d’autruy, il les transformera et confondera, pour en faire un ouvrage tout sien : à sçavoir son jugement.”

[34] La Mothe Le Vayer, Observations diverses sur la composition, & sur la lecture des Livres, p. 374-377.

[35] La Mothe Le Vayer, Premier probleme. Est-il à propos de mettre souvent la main à la plume, & de donner son tems à la composition de plusieurs Livres, dans Problèmes sceptiques, [1666], Œuvres, V/II, p. 223.

[36] La Mothe Le Vayer, Lettre CIII. De quelques compositions, dans Œuvres, VII/I, p. 132.

[37] Voir, à propos de la polémique qui oppose les Anciens et les Modernes au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, l’essai de Marc Fumaroli, “Les abeilles et les araignées”.

[38] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 517.

[39] La Mothe Le Vayer, Lettre I. Du sujet de ces lettres, p. 12.

[40] Bernard Beugnot, “Dialogue, entretien et citation à l’époque classique”, p. 42-49.

[41] La Mothe Le Vayer, Considérations sur l’éloquence française de ce tems, p. 282, “Au lecteur”, dans La Promenade. Dialogues, Œuvres, IV/I, p. 12, p. 108, Lettre I. Du sujet de ces lettres, p. 11, Prose chagrine, p. 287.

[42] Voir, par exemple, La Mothe Le Vayer, Considérations sur l’éloquence française de ce tems, p. 266-267 : “Et sans mentir, nous pouvons soutenir, que les plus belles paroles du monde sans la solidité des choses, ne sont pas plus considerables que des coups de canon sans boulet, qui font quelque bruit & ne touchent personne.”

[43] La Mothe Le Vayer, Considérations sur l’éloquence française de ce tems, p. 277.

[44] La Mothe Le Vayer, “Au lecteur”, dans La Promenade. Dialogues, Œuvres, IV/I, p. 196.

[45] La Mothe Le Vayer, Lettre I. Du sujet de ces lettres, p. 12. Voir aussi, à propos des hommes de

ettres qui enrichissent le sens des citations, Vint-deuxiéme homilie académique. Des Auteurs, p. 351.

[46]La Mothe Le Vayer, “Lettre de l’auteur”, dans Dialogues faits à l’imitation des anciens, p. 14. L’hétérodoxie qui participe de l’érudition de La Mothe Le Vayer a souvent été associée à l’athéisme. Voir, entre autres, René Pintard, Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, [1943], Genève-Paris, Slatkine, 2000; Tullio Gregory, Genèse de la raison classique de Charron à Descartes, trad. par Marilène Raiola, Paris, PUF, 2000, ou Isabelle Moreau, “Guerir du sot”. Les stratégies d’écriture des libertins à l’âge classique, Paris, Champion, 2007.

[47] La Mothe Le Vayer, “Lettre de l’auteur”, dans Dialogues faits à l’imitation des anciens, p. 201 et “Au lecteur” dans La Promenade. Dialogues, Œuvres, IV/I, p. 198.

[48] La Mothe Le Vayer, “Au lecteur” dans La Promenade. Dialogues, Œuvres, IV/I, p. 195.

[49] Voir Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, p. 54.

[50] Voir Emmanuel Bury, Littérature et politesse. L’invention de l’honnête homme, Paris, PUF, 1996, p. 65. Voir, à propos de la définition de l’honnête homme, La Rochefoucauld, Maxime 203.

[51] La Mothe Le Vayer, II. Probleme. Mais ne doit-on jamais prendre la plume, qu’elle ne soit parfaitement bien taillée, & qu’on n’y puisse en aucune façon trouver à redire ?, dans Problèmes sceptiques, p. 227:
“J’avouë pourtant, que l’excès de ces mêmes pensées [utiles], & le trop d’érudition, peuvent porter à un discours le même préjudice, que donne à un arbre l’abondance de fruits si elle est demesurée ; parce qu’elle les empêche de venir à maturité, & fait qu’ils ne sont jamais de considération. ”

[52] Racemius, dans La Mothe Le Vayer, Hexaméron rustique, [1670], Amsterdam, P. Mortier, 1698, p. 170. Voir Emmanuel Bury, « Écriture libertine et sources doxographiques : le cas de La Mothe Le Vayer », dans Antony McKenna, Pierre-François Moreau, (dir.), Libertinage et philosophie au XVIIe siècle, no 6, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2002, p. 19-36.

[53] La Mothe Le Vayer, Observations diverses sur la composition, & sur la lecture des Livres, p. 355.

[54] Litiscus, dans La Mothe Le Vayer, La Promenade. VII Dialogue, Œuvres, IV/I, p. 218.

[55] Voir Frédérique Ildefonse, “L’expression du scepticisme dans les Dialogues fais à l’imitation des Anciens”, dans Corpus, no 10, 1989, p. 23-39.

[56] Voir, entre autres, La Mothe Le Vayer, “De Pyrrhon, et de la secte sceptique”, dans De la vertu des païens, [1641], Œuvres, V/I, p. 303-310. Voir, à propos de l’ambiguïté qui serait intrinsèque du pyrrhonisme circoncis de La Mothe Le Vayer, Gianni Paganini, ““Pyrrhonisme tout pur”  ou “circoncis” ? La dynamique du scepticisme chez La Mothe Le Vayer”, dans Antony McKenna, Pierre-François Moreau, (dir.), Libertinage et philosophie au XVIIe siècle. La Mothe Le Vayer et Naudé, no 2, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 1997, p. 7-31. Voir aussi José Maia Neto, The Christianization of Pyrrhonism. Scepticism and Faith in Pascal, Kierkegaard, and Shestov, Dordrecht, Boston, London, Kluwer Academic Publishers, 1995.

[57] Tubertus Ocella, dans La Mothe Le Vayer, La Promenade. VII Dialogue, p. 221.

[58] Voir, à propos de la prétendue misologie de La Mothe Le Vayer, Sylvia Giocanti, Penser l’irrésolution. Montaigne, Pascal, La Mothe Le Vayer. Trois itinéraires sceptiques, Paris, Champion, 2001.

[59] La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler, n’avoir pas le sens commun, [1646], dans Œuvres, V/II, p. 192-193.

[60] La Mothe Le Vayer, Première homilie académique. Sur les Disputes opiniâtres, dans Œuvres, III/II, p. 12-13.

[61] La Mothe Le Vayer, Onziéme homilie académique. De l’Ignorance, dans Œuvres, III/II, p. 162-163.

[62] La Mothe Le Vayer, Lettre CXXIV. Du prix de la sceptique, dans Œuvres, VII/I, p. 383-384 : Selon cela les doutes de la Sceptique établiront le milieu de la vertu intellectuelle, examinant les raisons qui proposent de tous côtés, sans rien déterminer que sur le vraisemblable seulement, & avec sa suspension ordinaire.

[63] La Mothe Le Vayer, Lettre LXXXI. Des Contestations, dans Œuvres, VI/II, p. 269.

[64] La Mothe Le Vayer, Lettre CXXIV. Du prix de la sceptique, p. 384.

[65] La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler, n’avoir pas le sens commun, p. 195.

[66] La Mothe Le Vayer, Lettre CXXIV. Du prix de la sceptique, p. 384.

[67] La Mothe Le Vayer, “Lettre de l’auteur”, dans Dialogues faits à l’imitation des anciens, p. 204.

[68] Hesychius, dans La Mothe Le Vayer, De la vie privée, Dialogues faits à l’imitation des anciens, p. 121.

[69] La Mothe Le Vayer, Lettre LXII. De la méditation, dans Œuvres, VI/II, p. 105.

[70] La Mothe Le Vayer, Petit traité sceptique sur cette commune façon de parler, n’avoir pas le sens commun, p. 195. Voir aussi La Mothe Le Vayer, “Au lecteur”, dans Que les doutes de la Philosophie Sceptique sont de grand usage dans les sciences, p. 7.

[71] La Mothe Le Vayer, “Au lecteur”, dans La Promenade. Dialogues, Œuvres, IV/I, p. 198.

[72] La Mothe Le Vayer, Lettre LXVIII. D’un Livre, dans Œuvres, VI/II, p. 158. 

[73] La Mothe Le Vayer, Considérations sur l’éloquence française de ce tems, p. 292.

[74] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 516.

[75] La Mothe Le Vayer, Neuviéme homilie académique. Réflexions sceptiques, p. 118.

[76] La Mothe Le Vayer, VII. De la lecture des livres, et de leur composition, p. 516.