1. Quantum opus sit[1] –
Ne dire que ce qu’il faut. Il y a fort à parier que si les auteurs
s’en tenaient à cette maxime, le travail du traducteur se trouverait
comme dégrever de cette taxe qu’il doit payer à la vérité
du texte. C’est parce que la littérature est un art, que la traduction
ne peut se limiter, elle, à n’être qu’un office ;
c’est parce que l’art ajoute au monde ce qui ne s’y trouve
pas naturellement, que la traduction ne peut se borner à l’application
d’une méthode, comme si le plus beau fruit de l’imagination
et de l’esprit devait être, quand on le tourne dans un autre idiome,
celui de la technique et des prescriptions méthodologiques.
Littérature et traduction vont de paire. Les œuvres de la peinture,
de la musique, de la sculpture n’ont besoin d’aucun intermédiaire
pour qu’on les goûte universellement. Les Belles-lettres, toutefois,
doivent avoir recours à un passeur pour atteindre à la même
universalité. Entre l’auteur et le lecteur, se glisse souvent
une figure mitoyenne, le traducteur, qui est tout à la fois lecteur
du texte original et auteur du texte traduit. Ce que nous donne toute
traduction, fût-elle excellente, n’est jamais que la lecture de
l’original faite par le traducteur. Cela n’est pas sans conséquence,
car l’original et sa traduction sont qualitativement différents ;
le premier naît de l’écriture – avec tout
ce que la culture de l’écrit comporte de libertés –
alors que la seconde vient de la lecture – incluant tout ce que
l’acte de lire présume de culture, de dispositions sentimentales,
de mémoire, de réciprocité aussi. Comme le notait George
Steiner, bien lire « c’est s’embarquer dans un échange
total »[2]. Le traducteur
qui, en regard de l’original, est un lecteur, participe de cet élan
de réciprocité face au texte. Sa traduction est tout autant
restitution d’un sens, qu’intervention personnelle sur ce sens.
En résumé, on peut suggérer que l’œuvre d’un
auteur est un monologue, un ensemble de réflexions et d’impulsions
créatrices, qui viennent de l’écriture, tandis que l’œuvre
du traducteur, elle, est le résultat d’un dialogue – entre
l’auteur et le traducteur – fils de la lecture. À cet égard,
l’authenticité dont une traduction pourrait se réclamer
n’est jamais que de la fausse représentation, dans la mesure
où la traduction opère ce changement qualitatif entre l’écriture
et la lecture, entre le monologue et le dialogue. Ce qu’a entre
les mains le lecteur d’une traduction n’est jamais un original,
ou un autrement de l’original ; ce qu’il tient entre les
mains ce sont les marginalia d’un bon lecteur sur les pages de
l’auteur, une lecture de l’œuvre, et non pas l’œuvre,
un peu comme le Hölderlin de Heidegger a peu à voir avec le fou
de Tübingen.
2. Cela étant, on comprendra mieux que le regain d’intérêt
pour la traduction soit apparu à une époque de renouveau de
la lecture. Il semble d’ailleurs que ce renouveau compose l’un
des sens profonds de ce que l’on appelle la Renaissance. Si l’origine
religieuse du mot « renaissance » est aujourd’hui
communément admise, à travers les Épîtres de Paul
et l’Évangile de Jean[3],
il faut imaginer que ce qui renaît premièrement dans la Renaissance,
c’est d’abord l’homme, un homme nouveau régénéré
par l’esprit, par un esprit formé par les livres. Le retour aux
auteurs de l’Antiquité – qui furent d’ailleurs présent
à travers tout le Moyen Âge – témoigne moins d’une
redécouverte de ces auteurs que d’une façon nouvelle
de les lire : il ne s’agissait plus de les lire dans leur altérité,
dans tout ce qu’ils pouvaient témoigner de radicalement différent,
mais dans ce qu’ils étaient en eux-mêmes. Ce qui distingue
les études antiques humanistes des études médiévales,
est que les humanistes entendaient étudier les Anciens pour ce qu’ils
étaient historiquement en soi, sans le secours des interprétations
religieuses ou des interdits doctrinaires de la foi[4].
Le secret des humanistes de la Renaissance est d’avoir su reconnaître
parmi les auteurs anciens des hommes comme eux, qui partageaient la même
humanité. En un sens, on assiste à la victoire de l’agapê,
si celle-ci est le lien qui permet à la diversité de se reconnaître
comme formant une même communauté d’esprit. La renaissance
de l’Antiquité est, mutadis mutandis, une reconnaissance :
celle que l’humanité forme une même société,
par-delà l’espace, le temps et la diversité des croyances.
La volonté de plusieurs humanistes italiens de renouveler la vie spirituelle
et morale de l’homme à travers le retour à la philosophie
grecque, songeons ici à l’Académie florentine, ou de montrer
comment les auteurs anciens sont, en substance, d’accord entre eux,
comme le firent Basilio Bessarione et Leonardo Bruni, participe de cette reconnaissance
de l’universalité de l’humanité qui marque, à
la Renaissance, l’indéniable succès de l’agapê.
Ce vaste mouvement de « retour au principe original »,
d’une recherche de l’origine « humaine » du
monde, avec tout ce que ce retour peut devoir au néoplatonisme, est
favorisé par une pratique de la lecture où l’érudition
du lecteur est l’application d’une technique (connaissance
du latin et du grec, connaissance circonstanciée de la civilisation
antique, de la littérature classique, etc.) plutôt que
celle d’une doctrine, ou d’une vision idéologique
(chrétienne) du passé. L’humaniste est attentif à
la réalité historique des choses, dans la mesure où celle-ci
est la garante d’une vérité éternelle qui a trouvé
son expression la plus parfaite et harmonieuse dans l’Antiquité.
Ainsi, tout travail philologique n’entend pas seulement assurer une
méthode d’approche des textes anciens, mais établir concrètement
des critères objectifs de la vérité historique. L’intérêt
humaniste de l’étude de l’Antiquité repose sur la
certitude d’une humanité commune entre les Anciens et la modernité,
reconnaissance qui est, justement, agapê.
3. Sous cet angle, la traduction, qui est liée à la littérature,
et dont le rôle est fondamental dans une civilisation où la transmission
de la culture transige par le patrimoine écrit, assume une importance
considérable dès le début du quinzième siècle.
Avec la philologie, la traduction devait participer à l’élaboration
de cette vérité historique du monde antique que l’humanisme
cherchait à établir. Il était donc normal, au tout début
de la construction d’une philosophie humaniste, que l’on se penchât,
comme le fit Leonardo Bruni, sur l’art de traduire correctement les
textes anciens[5].
Cela était d’autant plus pressant que l’humanisme ne se
caractérisait ni par une école, ni par une doctrine, mais bien
plutôt par des textes[6].
Il n’y avait donc pas, au départ, une philosophie de l’humanisme,
mais uniquement un ensemble de penseurs qui se rejoignaient à travers
le partage d’une communauté de valeurs exprimées
par des textes[7]. Cette place centrale
du texte dans la culture humaniste – et de ce qui accompagne le texte,
à savoir la pratique de l’écriture et celle de la lecture
– s’inscrivait dans cette volonté bien marquée de
comprendre le texte d’abord dans sa forme authentique et dans sa réalité
historique effective. Contrairement au monde médiéval, il ne
s’agissait pas d’assimiler l’Antiquité à des
catégories qui lui étaient étrangères, comme on
peut le voir, par exemple, dans la lecture chrétienne de l’Antiquité
ou l’emploi du corpus aristotélicien par la théologie
catholique[8]. En conséquence,
on peut affirmer qu’il y a un continuum entre le changement d’esprit
manifesté par les humanistes à l’égard de l’Antiquité
et de ses textes, et la nécessité de circonduire des critères
philologiques précis dans l’établissement des manuscrits,
en particulier dans l’élaboration de règles pour la conduite
des traductions. Du reste, la « redécouverte »
des textes anciens, s’appuyant en partie sur la compétence de
plusieurs humanistes à lire le grec – et donc d’établir
une relation directe avec les auteurs sans transiger par le prisme des lectures
des traducteurs – en partie à d’authentiques legs textuels
d’érudits byzantins[9],
porte en elle-même la conviction qu’il convient de restaurer la
culture antique altérée par la perte des ouvrages anciens et
les contrefaçons de traducteurs ignorants. Mais surtout, l’art
philologique, au sein duquel s’inscrit la traduction, participe de ce
travail de récupération de la culture et, en un sens, de réappropriation
de l’humanité même de l’homme. C’est probablement
là l’un des sens sacrés de l’humanisme que d’assurer,
par la fréquentation des auteurs et la pratique de la lecture, que
l’être humain retrouve le vrai visage de l’homme. La traduction,
et avec elle la théorie de la traduction qui, par le biais de la philologie,
assurent la vérité du texte traduit, se veut une pratique qui
assure la réappropriation véritable de soi à travers
le texte[10]. On trouve ainsi
dans l’exercice humaniste de la traduction comme un motif socratique,
un « connais-toi toi-même » de la culture, une connaissance
de soi qui transige d’abord par la connaissance d’autrui. Que
l’altérité représente une condition de la connaissance
de soi apparaît, à tout prendre, comme l’élément
central de l’humanisme. En son cœur se trouve le livre, l’écriture
et la lecture, et ce qui vient avec la pratique textuelle : la critique
et la traduction. Plus que jamais vaut pour la Renaissance l’idée
que l’homme est un bibliomane, c’est-à-dire un homme qui
est composé de livres, à la manière du Bibliothécaire
d’Arcimboldo. Dans cette toile singulière du peintre italien,
dont l’œuvre était l’un des caprices des surréalistes,
le personnage – le bibliothécaire justement – est fait
de livres : in-folio, in-quarto, dont on aime à
imaginer qu’ils sont des incunables, des éditions princeps ouvragées,
de précieux traités magnifiquement enluminés.
4. L’ensemble de ces livres forme un portrait, compose un individu,
un érudit : le Bibliothécaire. Cette toile est une
sorte d’icône de l’humanisme, puisqu’elle indique
que l’homme est, comme le Bibliothécaire, construit par
des livres, édifié par ses lectures. Le livre lu, médité
et marquant, en vient toujours à faire partie de soi, un peu comme
une pierre contribue à l’érection d’un château.
Connaître un humaniste, c’est être au fait des ouvrages
dont il est composé, la lecture servant ici comme d’un mortier
entre les différentes pièces. Aussi, pour se connaître
lui-même, un homme pourrait analyser les livres qui le forment. La critique
littéraire remplace ici avantageusement la psychanalyse. Partant, tout
ce qui contribue au sens du livre – et nul doute que la traduction fait
partie intégrante du sens d’une œuvre traduite – mérite
une attention particulière et commande une approche systématique.
Le traité De interpretatione recta de Leonardo Bruni répond
de façon pratique à cette approche qui unit le souci de vérité
historique – essentiel au sens global d’une œuvre –
à la précision philologique[11].
À cet égard, par le soin accordé à l’histoire
et à la rigueur linguistique, on peut authentiquement considérer
que la philologie est aux textes, ce que la perspective est à la peinture.
Dans un tableau en perspective, afin d’en goûter tous les charmes,
il faut que l’observateur se place à un endroit précis,
qui était celui qu’occupait idéalement le peintre. À
cet endroit exact, le spectateur a la possibilité de situer spatialement
les éléments et comprend, ce qui n’est pas immédiatement
observable d’un autre point de vue, que la perspective fait partie du
sens global de l’œuvre. Pareillement, la traduction met toujours
en perspective l’original et exige que le lecteur occupe la place même
qui fut celle du traducteur et cela parce que la traduction fait partie du
sens global de l’œuvre traduite. Ainsi peut-il y avoir autant de
bonnes traductions que de perspectives d’une œuvre. Surtout, quand
la traduction participe au sens de l’original, il devient impératif
d’établir avec sérieux les qualités qui doivent
être celles du traducteur, les défauts qu’il doit éviter,
les connaissances qu’il doit avoir afin que son intervention dans le
sens de l’original – inévitable dans le transfert linguistique
– ne se fasse pas au détriment de cet original. C’est là
toute l’intention philologique du traité de Bruni.
5. Le sens de l’histoire inhérent à la recherche philologique
permet de considérer les hommes et les œuvres dans leur originalité
propre. Les humanistes avaient égard à l’histoire dans
le double sens de récit, mais aussi d’enquête,
fidèles en cela à Hérodote. Tenant compte de l’originalité
des langues, des auteurs et des contextes ayant présidé à
l’élaboration de leurs oeuvres, ils prenaient d’un même
souffle conscience de leur propre originalité. Or, cette prise de conscience,
qui place nettement le soi du chercheur et l’autre du texte favorise
l’établissement d’un dialogue. Nous retrouvons au
centre de ce dialogue la traduction qui, on l’a vu, est précisément
le résultat d’un dialogue entre un auteur et un lecteur. Ce dialogue
consent de reconnaître l’altérité d’autrui
qui rend possible la communication. En effet, quand je reconnais l’autre
comme différent de moi – et que je veux le comprendre dans cette
différence – je sors de la logique du monologue[12]
pour entrer dans celle de la communication. La communication née de
cet intérêt nouveau pour l’autre s’exprime à
travers l’éloquence, qui prend un nouvel élan,
la poésie, la conversation enfin, élevée
en art de la communication et dont le courtisan incarne subtilement toutes
les finesses. La philologie (et, à travers elle, la traduction) est
un maître d’œuvre de cette logique. De plus, cette reconnaissance
de l’altérité suggère également celle du
lien de l’homme avec la communauté humaine, élément
phare de l’humanisme, qui explique l’intérêt renaissant
envers la politique et, en philosophie, pour les questions éthiques.
D’une manière générale lors de la Renaissance,
cette volonté de renouveau et de retour aux origines est la renaissance
de l’homme dans le monde[13].
En effet, le rapport avec le monde est un élément constitutif
inaliénable de la nature humaine. L’homme est solidaire du monde
et la connaissance qu’il a de lui-même est liée à
celle du monde. L’homme se comprend comme partie du monde. Le thème
commun aux humanistes, aux platoniciens et aux aristotéliciens, qu’ils
soient averroïstes ou alexandrins, est celui de l’homme comme natura
media. Elle révèle toutefois une ambiguïté.
Bien que partie du monde, l’homme n’en est cependant pas le jouet,
car il peut le comprendre et, surtout, agir, pour le transformer et s’en
rendre maître. Cet état d’esprit colore profondément
l’humaniste et l’aiguillonne pour connaître ce monde et
le transformer. Il en est à la fois juge et partie. Cette situation
mitoyenne de l’homme déplace le thème du monologue intérieur
cher au monde médiéval[14]
où semble dominer l’admonition de saint Augustin[15],
vers le thème du dialogue et de la communication. On le voit,
la communication et, à travers elle, ses pratiques telle la traduction,
sont au cœur du monde renaissant. Or ce dialogue se nourrit d’autrui.
L’art de la conversation, qui a connu son essor à la Renaissance,
se fonde moins sur le fait de savoir parler, que de savoir écouter
– donc de recevoir autrui en soi.
6. Soucieux de savoir écouter les auteurs, la traduction pour Leonardo Bruni participe du dialogue, dans la mesure où il convient au traducteur de recevoir le premier auteur en soi, réception qui n’est possible que par la culture la plus haute. On découvre ici l’un des plus étonnants motifs de la culture humaniste : elle ne transforme pas l’homme en soi, mais le place plutôt dans l’état de recevoir autrui, de l’accueillir. La culture que Bruni présuppose chez le traducteur habile, pose les bases de toute transformation, de toute réforme intérieure ; elle doit permettre de « recevoir autrui ». Pour ce faire, il faut d’abord parler sa langue, connaître les manières de l’hôte, développer une hospitalité de l’intelligence qui favorise, non le relativisme moral, mais l’acceptation de la différence. Tous ces éléments ne forment pas seulement le panégyrique des qualités que doit posséder le traducteur, mais offrent d’un même souffle les caractéristiques fondamentales d’une communication véritable. On comprend mieux, en regard, pourquoi la Renaissance délaisse le contrôle « idéologique » de l’information – idéologie constituée de la théologie médiévale et de l’ordonnancement de la société féodale – pour un contrôle technique de l’information. La Renaissance marque l’avènement d’une époque où ce que l’on veut communiquer n’est pas le résultat d’une organisation politique ou doctrinaire, mais d’un agencement « scientifique », qui s’articule autour des critères de la libre recherche, de la rigueur philologique et de la vérifiabilité des sources. La théorie brunienne de la traduction répond à ces critères principaux. Elle délaisse le verbo de verbo médiéval pour établir les principes techniques permettant le passage de la vérité du texte original. Bruni s’insère harmonieusement dans ce modèle déjà évoqué de recherche humaniste qui est une quête de l’origine et de l’authenticité historique. Un tel désir de redécouverte de l’origine pour ce qu’elle était « en soi », impliquait impérativement le développement de la philologie et d’une méthode essentielles à la conduite des traductions. Lorsque Leonardo Bruni écrit:
[...] l’excellent traducteur investira toute sa pensée, toute son âme, toute sa volonté dans l’œuvre du premier auteur, se transformant de quelque manière en elle, de façon à chercher à en exprimer la structure, la position, le mouvement, les couleurs et tous les traits[16],
il indique clairement que la traduction doit restituer parfaitement l’original. Les interventions du traducteur dans le texte sont tenues pour des erreurs, l’invisibilité du traducteur étant le résultat de l’application des normes méthodologiques. À travers le texte traduit, c’est davantage qu’un sens qui est rendu : c’est surtout une manière d’être, de s’exprimer et de penser – qui devraient idéalement être celles de l’Antiquité classique, mais qui sont trop souvent celles du traducteur. Les prescriptions du traité De interpretatione recta de Leonardo Bruni s’inscrivent dans ce sillon et expliquent les critiques acerbes de Bruni aux traducteurs incapables de s’élever dans leurs versions à la hauteur de leurs modèles. Nous touchons ici à l’un des mythes fondateurs de la traduction, mystère qui s’apparente à l’esprit de la Renaissance, qui est celui du retour aux origines. Selon ce mythe, la traduction serait une substitution de l’original. Or, cela a été évoqué plus haut, une traduction est le résultat d’un dialogue entre l’auteur et son traducteur. Dans tout dialogue, les parties interviennent, ce qui contribue à la constitution du discours lui-même, si bien qu’une intervention du traducteur dans l’ouvrage de l’auteur est inévitable, quelles que soient les précautions prises pour la limiter. Par conséquent, les règles de traduction visent ainsi à assurer la substitution de la traduction à l’original[17] et à baliser le rôle du traducteur, en créant, en quelque sorte, une situation d’aliénation du traducteur face à l’auteur. Cette situation d’aliénation où l’on impose l’invisibilité et, pour ainsi dire, le silence au traducteur, maître de la communication, forme ce que l’on a appelé ailleurs, le complexe d’Hermès.
7. Bruni aurait composé le De interpretatione recta entre 1420
et 1426. Le traité s’insère d’une part dans le débat
qui avait cours entre certains humanistes italiens[18]
et est, d’autre part, commandé par la nécessité
de fonder méthodologiquement une discipline fondamentale dans le renouveau
des études classiques. L’importance qui est attachée à
l’excellente culture générale du traducteur s’inscrit
dans le sillon du sérieux philologique et du développement scientifique
de l’étude des textes anciens. A cet égard, on peut voir
qu’une formation humaniste est, pour Bruni, la pierre de touche pour
l’acquisition d’une méthode adéquate de traduction,
méthode qui possède de fortes assises philologiques[19].
Le De interpretatione recta, en tant que premier traité moderne
spécifique sur la traduction, s’insère dans la mouvance
humaniste de récupération des modèles esthétiques,
rhétoriques et juridiques de la tradition classique. Ce travail de
réappropriation de l’Antiquité est compliqué d’emblée
par la conscience de la distance temporelle qui sépare l’homme
de l’Antiquité de l’homme de la Renaissance. Pour combler
au mieux cette distance, l’humaniste a besoin de développer des
instruments et des techniques d’enquête, d’où le
développement, dès le quinzième siècle de l’art
philologique qui ne se veut pas une technè stérile (un
vade-mecum de l’approche et de la traduction des textes anciens),
mais une méthode (dans son sens étymologique de « chemin »),
pour combler autant que possible cette distance et comprendre les Anciens
pour ce qu’ils étaient en eux-mêmes. La traduction devient
alors, pour paraphraser Dilthey, la façon de se transporter, par des
études grammaticales, techniques, historiques, dans une vie culturelle
différente, afin de préserver dans la version produite l’intégrité
et la spécificité de l’original[20].
8. La traduction dans l’occident médiéval chrétien
fonctionnait souvent au mot à mot. Les traducteurs effectuant des thèmes
– et non des versions – le lexique et la syntaxe étaient
parfois peu latinisants et chargés d’impropriétés.
Ce que la tradition a consacré comme du « latin de cuisine »
était en fait du « latin de cloître », langue
qui n’était pas toujours inspirée comme il l’eût
fallu. On ne considérait pas qu’il était du devoir du
traducteur de s’interroger afin de déterminer pourquoi l’auteur
avait exprimé tel ou tel concept, pourquoi il les avait exprimés
de telle ou telle façon ?
Possédant le grec que lui avait enseigné Emmanuel Chrisaloras,
un érudit venu à Florence en 1394 dans la mouvance des débats
religieux et conciliaires, et s’étant formé au latin grâce
à la fréquentation des meilleurs maîtres florentins, Leonardo
Bruni accordait, quant à lui, une grande importance à la correction
du latin[21]. Cette attention
particulière dénote que la langue n’était pas pour
l’Arétin qu’un simple moyen d’expression, le véhicule
du sens, mais qu’elle se voulait aussi, surtout peut-être, une
expérience de sens. La langue, en effet, ne fait pas que permettre
l’expression des idées, mais leur confère aussi une organisation
(lexicale, syntaxique et rhétorique) qui contribue directement à
leur signification. Or puisque la langue est ce qu’il y a de plus intime
en nous – on songera ici à Platon et au monologue intérieur
de l’âme – puisque les idées « parlent »
en nous et que nous en éprouvons constamment les effets, toute forme
de réflexion est expérience de sens. La mauvaise maîtrise
de la langue, en particulier une langue apprise, interfère ainsi directement
non seulement dans la possibilité d’exprimer les idées,
mais aussi de les organiser, ce qui, dans le cas de la traduction, peut se
révéler fâcheux. Il ne suffit pas, en effet, d’être
latin par les mots, encore faut-il l’être par l’esprit.
Pour les Modernes, cet esprit se cultive à la fréquentation
des meilleurs auteurs : Cicéron, Virgile, Salluste, Ovide. Par
la fréquentation de ces auteurs, par une lecture constante des meilleures
œuvres, le traducteur parviendra non seulement à posséder
la langue latine, mais aussi à être possédé par
elle. Ce type de possession de l’esprit par la langue illustre combien
elle est tout autant expérience qu’instrument.
9. La traduction est une école de style, comme le montre le cas de
Cicéron dont le ton s’est formé à la traduction
des orateurs grecs. De même, pour Bruni, la traduction fait partie intégrante
d’une formation humaniste – par l’acquisition et le perfectionnement
du style. Toutefois, Leonardo Bruni se détache de Cicéron (ou
encore de Quintilien), car le concept de modèles à reprendre
ou encore l’idée d’imitation[22]
ne suffisent plus à assurer la rigueur et la recherche d’authenticité
qui marque l’élan humaniste de renouveler l’Antiquité
classique dans toute sa vérité historique. On peut voir ici
comme un hiatus entre l’imitation et l’historicité, espace
que marque nettement la théorie brunienne de la traduction.
Bruni développe une traduction qui module entre l’esprit et la
lettre : lorsque l’intérêt est accordé –
pour le passage du sens – à tout ce qui entoure un texte, la
traduction se fait « ad sententiam » ; quand
le texte parle, pour ainsi dire, de lui-même, la traduction devient
« verbum de verbo ». Mais tout n’est pas
si simple. Dans sa pratique, le traducteur doit souvent se poser certaines
questions : pourquoi l’auteur a-t-il dit ce qu’il a dit ?
Pourquoi l’a-t-il dit de cette façon ? Ce type de
questions exige la reconstruction de la situation historique au sein de laquelle
s’inscrit le texte, de même que celle de la subjectivité
de l’auteur. Il s’agit plus ici que de comprendre un texte pour
le traduire : il faut aussi comprendre une époque et une conscience.
La fin du travail du traducteur – et donc le choix éclairé
du texte à traduire – n’est pas simplement celle de livrer
une version acceptable d’un grand texte. Il faut assurer également
que le texte traduit puisse jouer un rôle dans le développement
des idées et le progrès de la culture. En traduisant Platon,
par exemple, Bruni désire montrer comment le philosophe grec peut contribuer
positivement à la doctrine chrétienne, si bien que sa traduction
s’inscrit idéologiquement dans le courant du platonisme renaissant
qui, à travers les académies et les cercles de lecture, voulait
provoquer un renouveau du catholicisme. Une compréhension nette des
traductions de Bruni – mais aussi dans un sens large des traductions
humanistes – est indissociable de celle de l’histoire des idées.
De façon générale, la traduction selon Bruni doit s’articuler
autour de trois critères fondamentaux : un critère esthétique
(préservation de la beauté de l’original) ; un critère
linguistique (écrire dans une langue calquée sur le modèle
des meilleurs auteurs) ; un critère herméneutique
(traduire les auteurs de façon que l’on puisse croire que la
traduction est l’original)[23].
Dans la préface qu’il fit à sa traduction de l’Éthique
à Nicomaque, Bruni s’expliquait sur le sens du travail
du traducteur. Il ne suffit pas seulement de rendre une œuvre grecque
de la meilleure façon possible en latin, mais d’accroître,
autant que faire se peut, le champ même de la latinité
en relevant les erreurs du précédent traducteur. Dans le sillon
du critère herméneutique, on voit, que la traduction ne fait
pas seulement transmettre une œuvre, mais assure par celle-ci et à
travers celle-ci le développement d’une culture nouvelle. Par
le moyen de l’œuvre traduite, le lecteur se découvre lui-même
dans les vestes du monde antique.
10. Dans une lettre à un ami[24], Bruni soulignait que sa traduction de Platon se lisait cum summa voluptate, avec le plus grand plaisir, puisque le traducteur y était moins attentifs aux syllabes qu’au sens total de l’œuvre de Platon, si bien que la traduction est, en regard du philosophe grec, sine molestia. Toujours dans cette lettre, Bruni insistait sur la méthode qui est la sienne. Il s’est efforcé, écrivait-il, de ne jamais s’éloigner de la pensée de l’auteur. Si d’aventure un mot ne pouvait se rendre en latin (n’oublions pas que les traductions dont il parle se font en latin), il n’avait pas cru trahir l’auteur en s’éloignant un peu de la lettre pour suivre sa pensée[25]. Sabbadini[26] soulignait justement à propos de cette lettre qu’on y voyait pour la première fois dans la culture occidentale les mots traductio et traducere dans le sens de traduire, au lieu des formules traditionnelles telles que vertere, convertere, interpretari, latine reddere etc. Cette lettre est instructive, dans la mesure où elle montre admirablement que le sens d’un traité, d’un livre, ne relève pas exclusivement des mots qui le composent, mais participe plutôt d’un ensemble plus vaste et important qui est celui de l’œuvre totale et complète. Si un traité, prenons de Platon, possède un sens particulier, il exprime aussi partiellement le sens total de l’œuvre de Platon, sens total qui doit transparaître dans la traduction. En conséquence de quoi, les critères esthétiques et linguistiques sont subordonnés aux critères herméneutiques qui sont ceux qui permettent de saisir le sens global d’une œuvre. Partant, l’avantage que possède le traducteur en regard de l’auteur, c’est d’avoir une vision d’ensemble de l’œuvre de l’auteur – que celui-ci ne peut avoir parfaitement tandis qu’il l’écrit – vision d’ensemble qui est le sens même de l’œuvre complétée. La nécessité de retraduire les classiques ne vient donc pas de critères esthétisants ou liés strictement à l’évolution de la langue, mais s’appuie surtout sur cette succession d’interprétations parfois divergentes que différentes époques peuvent avoir sur une même œuvre. A cet égard, la traduction des classiques est, surtout peut-être, celle de l’époque qui les commande. Il n’est pas inutile de souligner à ce propos que le développement de la traduction suit toujours le développement spirituel et culturel des nations, comme quoi à un esprit nouveau doit correspondre une traduction nouvelle.
11. Lorsque Leonardo Bruni entame la rédaction du De interpretatione
recta, il a déjà derrière lui une riche production
littéraire. Il a traduit Aristote et Platon, entre autres. L’ouvrage
est donc le fruit d’une réflexion menée après une
longue pratique humaniste de la traduction. Il ne faut donc pas s’étonner
d’y voir des prescriptions méthodologiques.
La prise de position centrale de Bruni est de privilégier la traduction
verbum de verbo sur le ad sententiam Ce type de traduction n’a
cependant rien à voir avec le mot à mot des versions d’Aristote
ou de Platon antérieures aux siennes. L’attachement au mot se
présente comme la fine fleur du travail humaniste, de la nécessité,
après l’établissement philologique des textes, d’établir
scientifiquement les versions. Cet établissement est d’autant
plus rigoureux que la traduction colle de près au texte. Aussi, pour
Bruni, fidèle en cela à son maître Chrisaloras, le verbum
de verbo ne signifie pas être fidèle à la lettre du
texte, mais adhérer le mieux possible à l’original. Lorsque
la traduction au mot à mot devient absurde, il convient alors de suivre
le conseil d’Horace[27]
et traduire ad sententiam. Il s’agit ainsi d’une méthode
« mixte » ou ce qui compte est l’idée de
ne rien changer des qualités intrinsèques de l’original
(ut nullo modo proprietas graeca immutaretur). Si Cicéron est
pris comme modèle de bon latin par Bruni, il y a davantage encore.
Dans son De optimo genere oratorum, Cicéron mettait en effet
l’accent sur l’importance de respecter le modèle stylistique
et rhétorique de l’original ; le De interpretatione recta
reprend à son compte les impératifs stylistiques et rhétoriques
de l’écrivain latin.
[1] CICÉRON, De l’orateur, XXIII, 87.
[2] G. STEINER, Passions impunies, traduit par P.-E. DAUZAT et L. EVRARD, Paris, Gallimard, 1997, p.18.
[3] JN, III, 3 – 8.
[4] Quand l’humaniste Lorenzo Valla anime le débat autour du visage véritable de la doctrine d’Aristote, il faut voir un lien direct entre cette volonté de vérité historique et le développement d’une technique (la philologie et la traduction) servant à assurer et établir objectivement cette volonté historique. A cet égard, le traité de Bruni prend peut-être moins en mire la traduction elle-même, ce qu’elle doit être et comment elle doit être conduite, que son rôle dans l’établissement de la rigueur historique telle que voulue par les humanistes.
[5] Il est intéressant de noter qu’à la Renaissance, l’art de la traduction suit celui du commentaire, songeons par exemple à Lefèvre d’Etaples qui traduit et commente l’Introduction à la métaphysique et l’Éthique à Nicomaque. Chez Leonardo Bruni, on retrouve cette volonté de donner des préceptes à la traduction puisque ce faisant, on guide l’art du commentaire. Plus la traduction sera juste, mieux il sera possible de se faire une opinion originale (dans le sens étymologique du terme, « qui existe dès l’origine » ), de se libérer des commentaires antérieurs et, dans une certaine mesure, de se défaire de la force oppressante de la tradition. A cet égard, la théorie de la traduction de Bruni participe de l’esprit renaissant d’un retour à l’origine, d’un retour à l’authenticité doctrinale et historique. Notons enfin que la perspective est toujours ici celle d’une vérité objective du texte littéraire et que l’intervention subjective du traducteur au sein du texte n’est pas encore prise en considération, ou encore mise de côté d’emblée.
[6] On pourrait presque dire que c’est le contraire aujourd’hui.
[7] Cette communauté de valeurs pour la quelle le texte est fondamental ne pourra, d’une part, que développer des instruments d’établissement objectif des textes (la philologie) et, d’autre part, assurer des assises solides à la formation de l’individu à travers l’établissement de projets pédagogiques comme en témoignent le De studii et Letteris de Bruni ou encore le De ratione studii (1511) d’Érasme.
[8] Au désintérêt envers la vérité historique – ou encore sa subordination à une lecture religieuse de l’histoire – correspond le désintérêt envers la philologie et la méthodologie de la traduction. Le silence entre saint Jérôme et Leonardo Bruni pour ce qui est des réflexions théoriques en traduction l’illustre bien, car la chronologie des textes, l’éthologie,la grammaire comparative, les sciences littéraires, etc. étaient inutiles pour l’assimilation de la culture antique aux catégories de la culture médiévale.
[9] Parmi tant d’exemples, on songera ici au texte grec de l’Introduction à la géographie de Ptolémée apporté à Florence par Emmanuel Chrisaloras (1350-1415), le maître de Leonardo Bruni.
[10] « Pour Bruni, une version n’est pas qu’un exercice technique, mais s’inscrit [...] au sein d’un programme culturel plus vaste qui, à son tour, est une expression et une affirmation de l’humanisme », (P. VITI, Leonardo Bruni, Sulla perfetta traduzione a cura di P. VITI, Napoli, Liguori, 2004, p. 6; notre traduction).
[11] La recherche de l’origine, de la réalité historique et de la vérité dans l’histoire, qui serait l’un des sens de l’historicité renaissante, ne va pas sans une recherche du sens réel et historique des Écritures – sens qui a été obscurci par les gloses, les commentaires et la patristique. Humanisme et réforme religieuse sont sous cet angle intimement liés, comme on le peut voir dans le mouvement de la devotio moderna qui gagne en importance dans le nord de la Hollande : « A une exigence de foi, la spiritualité et la pratique flamandes offrent une première réponse, que les plus grands humanistes chrétiens sont venus enrichir et expliciter dans les années 1490 à 1520 », (R. MANDROU, Histoire de la pensée européenne III – Des humanistes aux hommes de sciences, Paris, Seuil, 1973, p. 55). La dédicace d’Érasme au pape Léon X de sa traduction du Nouveau Testament va aussi dans ce sens.
[12] Logique du monologue qui, en un sens, fut celle de monde médiéval où les auteurs ne sont pas compris en soi, dans leur historicité, mais en référence aux catégories de la culture politique et religieuse du chercheur ou de l’érudit.
[13] Les débats sur la religion mettent en exergue la place du sacré dans la vie quotidienne, le rôle de la conscience religieuse et de ses relations à l’État (cujus reio ejus religio). Tout le débat sur l’efficacité des œuvres propose, en sous-main, une réflexion sur la place véritable de l’homme : est-il un être mondain ou essentiellement spirituel ? Le monde est-il nécessaire ou non à l’homme pour son Salut ? La place de l’homme dans le monde répond, à la Renaissance, à cette exigence de rigueur et de vérité historique que cherchaient les humanistes dans leurs études des textes de l’Antiquité.
[14] Essentiellement, l’intériorité humaine y représentait la chose principale et les sciences représentaient comme une distraction de l’intelligence et de son devoir de devenir maître d’elle-même, attitude dont Pétrarque est comme un témoin : « Les hommes vont admirer les monts altiers, les flots gigantesques des mers, l’ample cours des fleuves, le vaste cercle de l’océan et la course des étoiles, mais ils s’oublient et demeurent sans admiration devant eux-mêmes », ( PÉTRARQUE, Epistole familiares, IV, 1; notre traduction).
[15] « Noli foras ire, in te ipsum redi, in interiore homine habitat veritas ». De vera religione, XXXIX, 72.
[16] BRUNI, De interpretatione recta, § 13.
[17] Bruni parle de l’auteur d’un texte à traduire comme d’un « premier auteur » pour indiquer que le traducteur doit recréer l’original dans sa traduction. ID.,§ 13.
[18] Le débat entre Lorenzo Monaci et Francesco Barbaro, le premier contestant l’utilité des traductions en raison de la supériorité du grec sur le latin, le second contestant cette opinion.
[19] Il y a donc dans cette perspective une continuité de vue entre le De Studii et litteris et le De interpretatione recta.
[20] On peut voir ici combien les théories modernes de la traduction fondées sur la « traduction de l’Étranger » représentent, à tout prendre, d’antiques nouveautés.
[21] Voir, entre autres, le § 8 du De interpretatione recta.
[22] Ce sont des idées phares centrales chez les deux auteurs latins, car la traduction y est vue comme un exercice purement rhétorique.
[23] Ce mythe du « second original » aura la vie longue en traduction. Pour y parvenir, il faut plus que du talent ; il faut surtout une profonde connaissance de l’auteur, de sa pensée et de son époque, une maîtrise parfaite de la langue d’arrivée et du contexte historique et intellectuel de la modernité.
[24] Il s’agit de Niccolò Piccoli. La lettre date de 1404/05. Pour plus de détails voir VITI, op.cit., pp. 26-29 et note 75, p. 26.
[25] « [...] Sin autem non potest, non equidem usque adeo timidus sum ut putem me in crimem lesae maiestatis incidere, si servata sententia paulisper a verbis recedo, ut declinem absurditatem ». Cité par VITI, op. cit., p. 29.
[26] R. SABBADINI, Del tradurre i classici antichi in Italia, «Atene e Roma », III, Florence,1900, pp. 201-217.
[27] « Nec verbum verbo curabis reddere fidus interpres » Horace, Art poétique, 133-134.