1. Inspirée par les études de Francis Jennings, dès les
années 1985 l’historiographie américaine a sérieusement
remis en cause le mythe de la naissance des États-Unis, en dénonçant
la présomption de supériorité et le projet de domination
des européens sur les indiens dès leur arrivée dans le
Nouveau Monde[1] ; d’après
ce courant historiographique, les rapports de coopération, les alliances
et les légitimations réciproques proclamées entre ces
deux civilisations rentraient dans une logique parfois implicite, mais très
souvent explicite, selon laquelle les occidentaux essayaient d’imposer
progressivement leur pouvoir et leur contrôle, ou d’instrumentaliser
le rôle des indiens pour leurs propres avantages, contre les puissances
ennemies.
La représentation même de l’histoire naturelle du Nouveau
Monde et de la civilisation américaine n’a pas été
épargnée par ce préjugé de supériorité.
En ce qui concerne les indiens plus en particulier, ils ont été
au centre d’un renversement de l’image du « bon sauvage »
par celle du « mauvais sauvage », c'est-à-dire d’un
individu relégué aux étapes primitives du développement
humain[2].
Les démêlés entre indiens et européens dans la
deuxième moitié du XVIIIe siècle forment bien
évidemment le contexte à l’intérieur duquel les
représentations de la vie politique et de la civilité indienne
ont évolués. Cette période est marquée par la
progressive adsorption des tribus indiennes dans la vie politique et économique
des colonies américaines, françaises, espagnoles, et par conséquent
dans leurs antagonismes. Dès la guerre de Succession d’Autriche
il fut de plus en plus difficile pour les nombreuses nations indiennes occupant
les territoires nord-américains, de jouer une politique rusée
d’équidistance entre ces trois puissances par des alliances variables,
comme, plus simplement encore, de rester à l’écart de
leurs entreprises en proclamant la neutralité. Les rapports avec les
colonies britanniques devinrent de plus en plus difficiles au fur et à
mesure que celles-ci faisaient preuve d’un considérable élan
économique et répandaient leur contrôle sur le territoire,
en essayant également de renforcer leur influence sur les tribus alliées.
Si la Guerre des Sept Ans et la révolte de Pontiac qui en suivit témoignèrent
ouvertement les tensions qui s’étaient cumulées jusque
là (à l’intérieur même des peuples indiens)
celles-ci ne cessèrent de grandir dans les années suivantes,
en dépit même du frein que le gouvernement de la métropole
essayait d’imposer aux colonies et dans un contexte de rivalité
entre ces deux[3]. L’indépendance
américaine une fois affirmée, les indiens se confrontèrent
désormais à une confédération politique bien déterminée
à poursuivre son propre développement et son expansion sur le
territoire, et à reconsidérer dans ce cadre les rapports entretenus
jusque lors avec des alliés dont la fidélité n’était
plus assurée.
Ces confrontations ne cessèrent pas de susciter une analyse profonde,
de la part des colonies aussi bien que de nombreuses tribus indiennes, non
seulement sur leur propre identité politique et civile mais aussi sur
celle des autres, pour déterminer les intérêts réciproques,
les possibilités, les termes, et les formes convenables des rapports.
Cette réflexion était d’autant plus nécessaire
qu’au milieu du XVIIIe siècle la liberté des
indiens n’était pas mise en doute : mais de quel genre de
liberté s’agissait-il, et de quelle manière pouvait-elle
se rapporter aux colonies ? Comment pouvait-on faire face à cette
liberté profonde des indiens, quelles possibilités de coopération,
ou de domination, ou même quelles préoccupations suscitait-elle ?
Le débat sur ces enjeux a évolué, de la moitié
du XVIIIe siècle jusqu’à l’essor de la
Révolution, vers une perception de plus en plus aiguë de la différence
entre les indiens et la civilisation coloniale. Si en effet tout au long de
la première moitié du XVIIIe la représentation britannique
des indiens avait exploité la rhétorique d’une alliance
entre deux civilisations qui se rapprochaient sous certains aspects et qui
pouvaient établir une entente, l’imaginaire et le langage politique
colonial évoluèrent progressivement vers la représentation
de deux formes de libertés bien différentes, fondées
sur des modes de subsistance trop éloignés l’un de l’autre
et relevant de deux civilisations dont la cohabitation se présentait
de plus en plus difficile, voir impossible.
Le propos de cette étude est de mettre en relief cette évolution
dans la représentation occidentale de la liberté des Indiens,
car elle représente le point de départ d’une idéologie
qui a orienté les politiques fédérales des États-Unis
aux égards des populations autochtones au XIXe siècle.
On voudrait également mettre en relief que l’approche culturelle
des européens à la civilisation indienne, bien que strictement
dépendant des intérêts et des valeurs des nouveaux arrivés
et certes dépourvu d’un véritable relativisme scientifique,
ne fut quand même pas marqué par un manque de conscience critique envers
soi-même. Comme on le verra dans certaines remarques des Benjamin Franklin,
de James Adair, de Thomas Pownall, d’Alexis de Tocqueville, les représentations
des indiens furent le résultat d’une approche mentale 'dominante',
mais aussi l’occasion pour une mise en question de certains aspects
de la civilisation européenne, c’est-à-dire pour un retour
critique sur sa propre identité.
2. Au milieu du XVIIIe siècle les relations entre les indiens
d’Amérique et les colonies britanniques, bien que traversées
par des tensions plus ou moins cachées, n’étaient pas
marquées par une rupture ; la History of the Five Nations,
publiée en 1727 et dans une nouvelle édition en 1747 par Cadwallader
Colden, conseiller du gouverneur de New York William Burnet[4],
offre un tableau très représentatif des approches entre ces
deux civilisations, des raisons impliquées dans leurs rapports et des
représentations historiographiques qui en résultaient.
S’inspirant à une logique mercantiliste, le gouvernement colonial
new-yorkais essayait d’imposer le monopole commercial dans la région
du Nord aux dépens de la colonie canadienne, en bloquant les échanges
vers celle-ci et en établissant une entente privilégiée
avec les indiens peuplant ces régions ; ce dessein, entamé
par des décrets commerciaux et par la fortification de Oswego, entraîna
également une tentative de représentation et de légitimation
à niveau historiographique face aux autres nations et aux usages de
l’administration elle-même.
Il s’agissait pour Colden non seulement de démontrer que la coopération
avec les indiens était possible et même profitable[5],
mais aussi ses fondements historiques, et surtout les formes dans lesquelles
elle avait été entretenue et élargie dès le fondement
même de la colonie de New York[6].
Cela dit, Colden considérait les tribus indiennes comme des véritables
organismes politiques, dont les habitants possédaient des qualités
morales semblables à celles des anciens Romains et des Lacédémoniens :
amour de la patrie et de la liberté, frugalité des mœurs,
sentiment d’honneur, valeur héroïque, entraînement
des jeunes par les exercices militaires, mais aussi quelques excès
tels que la cruauté en guerre et l’esprit de vengeance[7].
Ces tribus ne formaient rien d’autre que des républiques, c'est-à-dire
des communautés douées des structures nécessaires pour
décider des affaires publiques, ce qui les rendait indépendantes:
each of these Nations is an absolute Republick by itself, and every Castle in each Nation makes an independent Republick, and is govern’d in all publick Affairs by its own Sachems[8].
Il ne s’agissait pas, dans leur cas, d’un gouvernement fondé sur des lois écrites, ni d’une organisation douée d’un pouvoir judiciaire et policier semblable aux états européens ; néanmoins, écrivait Colden en citant l’Histoire de l’Amérique Septentrionale de La Potherie (1722), les indiens:
are as politick and judicious as well can be conceived; and this appears from the Management of all the Affaire which they transact, not only with the French and English, but likewise with almost all the Indian Nations of this vast Continent[9].
3. Cette démarche dans la représentation des tribus iroquoises était préalable au deuxième et plus important passage dans le raisonnement de Colden, la légitimation des rapports politiques entre les indiens et les colonies britanniques. L’indépendance des tribus indiennes pouvait en effet donner lieu, grâce à leur consentement, à une «alliance» avec les colonies. Pour expliquer ce point Colden élabora un système articulé sur deux points : le premier consistait à présenter les tribus iroquoises en tant qu’une véritable confédération entre égaux, formée des représentants des tribus de chaque nations, mais constituant un corps politique unitaire et solidaire (mais cela était loin de respecter la réalité)[10] dans les rapports étrangers avec les tribus non-iroquoises ou avec les européens:
Tribes, or Nations joined together by a League or Confederacy, like the United Provinces, and without any Superiority of the one over the other[11].
Il était possible, pour cette confédération, de soumettre
des autres tribus, et même de les faire entrer dans l’alliance,
mais à condition qu’elles se déclarent solidaires[12].
Le deuxième et plus important argument avancé par Colden pour
justifier les rapports politiques entre les iroquois et les anglais était
le célèbre Covenant Chain. Il s’agissait d’une
expression employée dans les traités de cette époque
pour dénommer l’alliance des indiens et des colons, et leurs
engagements réciproques; cette 'liaison' était réaffirmée
par des rencontres plus ou mois périodiques, qui se déroulaient
généralement à Albany, entre les Five Nations
et les représentants des colonies, où chacun avançait
ses griefs ou ses reproches, pour parvenir, après tout, à un
accord formel, à un traité d’amitié signé
par le sachems et les britanniques[13].
On est bien au courant de l’ambiguïté implicite dans ces
traités, les gouverneurs anglais désignant les chefs indiens
comme leurs 'fils'(ce que selon la mentalité indienne impliquait de
la subordination), alors que les sachems réclamaient la qualité
de 'frères' (donc un rapport paritaire)[14].
De plus, les indiens ne se considéraient pas liés par une obligation
formelle et juridique (leur liberté les en empêchait), ils s’en
passaient parfois, et les colonies firent autant – elles changeaient
assez fréquemment l’interprétation des traités
– en exaspérant les indiens. Il s’agissait en effet d’une
approche entre deux formes de mentalité bien différentes, l’une
juridique et formelle, l’autre fondée sur un langage symbolique,
qui ne pouvaient pas se rencontrer facilement[15].
La représentation des rapports entre indiens et colonies avancée
par Colden exerça une énorme influence : c’est à
partir de son schéma que Edmond Atkin élabora son plan pour
établir une alliance entre les colonies du Sud et les tribus des Cherokees,
Creeks, Chicasaws, Chactaws[16],
et que Archibald Kennedy écrivit son pamphlet The importance of
Gaining and preserving the friendship of Indians to the British interest[17].
Pas de surprise, alors, que dans un plan des territoires américains
du 1755 par Evans Lewis on puisse trouver encore l’expression «confederate
Indians».
Mais la représentation européenne de la confédération
indienne commençait à s’affaiblir dans le texte même
de Lewis, qui mettait en relief la particularité et l’extrême
autonomie revendiquée par chaque chef à l’intérieur
d’une nation indienne : le pouvoir se présentait alors à
la fois concentré dans une personne, mais décentralisé
au niveau de la nation[18].
4. Il serait aussi possible de se demander quelle était au juste l’idée de la forme politique des tribus indiennes exprimée par Benjamin Franklin dans une célèbre lettre où, en commentant le Plan présenté par Kennedy, il s’interrogeait non seulement sur les rapports avec les indiens mais aussi sur le futur des colonies mêmes face aux rapports de plus en plus compliqués avec la métropole. Il plaidait alors avec toute sa force pour une union entre colonies, de la quelle les indiens auraient pu «dépendre en cas de protection ou de rupture avec les Français», ou «qu’ils auraient eu a craindre, en case rupture avec nous-mêmes». Il ajoutait ensuite :
it would be a very strange Thing, if six Nations of ignorant Savages should be capable of forming a Scheme for such an Union, and be able to execute it in such a Manner, as that it has subsisted Ages, and appears indissoluble; and yet that a like Union should be impracticable for ten or a Dozen English Colonies, to whom it is more necessary, and must be more advantageous; and who cannot be supposed to want an equal Understanding of their Interests[19].
On a déjà observé que cet éloge n’est tel qu’en apparence, et que plus en général encore le raisonnement de Franklin relève d’une logique de domination coloniale sur les indigènes (tout à fait pareille à celle de l’Essay de Evans, dont Franklin était l’éditeur)[20]. Mais est ce que alors l’union des indiens ne représentait aux yeux de Franklin qu’un fâcheux paradoxe ou une ironie par rapport à l’absence de coordination entre colonies ? Ou serait-il possible de déceler, dans l’évocation de cette Union, une logique plus subtile d’exploitation de leur modèle ? Et dans ce cas, de quel modèle s’agirait-il ? Il se pourrait alors que Franklin exploitait le double registre de la supériorité des Européens mais aussi de la liberté des tribus indiennes à l’intérieur de leur Union. Tout au long de sa lettre – et dans ses projets politiques plus en général – Franklin se souciait en effet d’assurer que la confédération coloniale n’aurait engendré aucun risque pour l’indépendance de ses membres, tout en renforçant le corps entier : voilà que l’exemple des indiens intervenait alors dans le double sens, comme un modèle d’une union libre et volontaire, où chaque membre était respecté et écouté, et comme un défi pour les colonies, qui auraient pu faire mieux et qui n’avaient rien à craindre d’une telle union.
5. Dans les années entre la Guerre des Sept Ans et la Révolution
américaine les tensions politiques grandissantes avec les indiens furent
à l’origine de représentations de plus en plus problématiques
de leur liberté et de ses rapports avec celle des colonies.
Les symptômes de la radicalisation de ces tensions sont évidentes
dans l’œuvre de Charles Thomson, qui au tournant de la Guerre des
Sept Ans, entre 1758 et 1759, souleva la question si la défection des
tribus Delaware et Shawanee de l’alliance avec les anglais était
tout simplement le résultat de leur perfidie et infidélité,
ou plutôt si leurs plaintes exprimaient – comme il le pensait
- quelque chose de «reasonable and consistent with justice»[21].
La fin de la Guerre des Sept Ans (1763), pendant laquelle l’alliance
avec les iroquois avait dangereusement chancelé (tandis que les tribus
du Sud s’étaient montrées ouvertement hostiles), représenta
l’occasion pour régler le statut politique des indiens à
l’intérieur des territoires conquis formants le nouvel empire
britannique. Mais l’ambiguïté de la formulation juridique
employée décrit suffisamment la difficulté de reconduire
cette civilisation dans un rapport paritaire avec celui des nouveaux sujets
de l’empire (tels que les Canadiens et les habitants des colonies eux-mêmes) :
tout en affirmant en effet la pleine «souveraineté» (Sovereignty)
et le «contrôle» (Dominion) de la Couronne sur les
tribus, la Royal Proclamation (1763) ne qualifiait jamais ces-dernières
comme «sujets» de l’empire (ce qui aurait signifié
de leur assigner des droits bien précis), mais seulement comme «tribus
ou nations soumises à la protection de Sa Majesté»[22].
L’achat des territoires par les colonies ne cessa lui non plus de soulever
de nombreuses disputes : car si les indiens, comme le disait un personnage
célèbre et habile comme Lord William Johnson, possédaient
«the highest notions of liberty of any people on Earth»[23],
la perception de cette liberté indienne de la part de maintes colonies
suscitait des considérables manifestations d’intolérance :
à Paxton, par exemple, ce furent les habitants de la ville à
poursuivre et attaquer les tribus, contre les reproches de l’administration
britannique elle-même[24] :
les pamphlets qui en suivirent montrent de façon très évidente
un bouleversement d’attitude vers la liberté des indiens :
we have long been convinced from sufficient Evidence that the Indians that lived as independent Commonwealths among us or near our Borders were our most dangerous Enemies, both in the last & present War, altho’ they still pretended to be our Friends. [...] The five Nations [...] have ever asserted & exercised the Right of making War & Peace as independent Nations, never came under Laws, nor acknowledged Subjection to our King & Government; [...] No such Privilege has been granted to any Commonwealth in any civilized Nation in the World. But this had been allowed to Indians among us, & we justly complain of it as the Source of many our Calamities[25].
Si ces reproches relèvent d’une polémique directe et
peuvent être écartés comme le résultat d’un
pamphlet caricatural, il n’en reste pas moins que peu à peu le
problème de la liberté indienne fut envisagé sous le
signe de la diversité, c'est-à-dire, en général,
de la différence entre deux civilisations fondées sur des caractères
si peu ressemblants l’un à l’autre qu’aucune forme
de coexistence était possible.
Une profonde ambiguïté dans le rapports avec les indiens se retrouve
dans la History of the American Indians, particularly those nations adjoining
to the Mississipi [...] publiée par James Adair en 1775. Commerçant
irlandais qui avait vécu pendant de nombreuses années chez les
Chikkasah, Adair est connu surtout en raison d’une analyse assez détaillée
de la civilisation des tribus indiennes situées le long du Mississippi,
à propos desquelles il évoque la liberté naturelle, la
justice, la loi naturelle, la fidélité, le courage et la vertu[26].
Il faut remarquer que dans la représentation d’Adair l’idée
d’une confédération indienne unie par un pacte aux colonies
est complètement effacée: il ne s’agit en effet que de
sauvages, bon ou mauvais selon le cas, dépourvus d’une véritable
forme politique :
as the law of nature appoints no frail mortal to be a king, or ruler, over his brethren [...] the Indians, therefore, have no such titles or persons, as emperors, or kings; [...] their highest title, either in military or civil life, signifies only a Chieftain: they have no words to express despotic power, arbitrary kings, oppressed, or obedient subjects. [...] If we connect with this their opinion of a theocracy, it does not promise well to the reputed establishment of extensive and puissant Indian American empires. [...] Every town is independent of another. Their own friendly compact continues the union[27].
6. Ces deux aspects de la représentation des Indiens (la vie sauvage et les mœurs pures) font l’objet d’usages différenciés de la part de Adair et témoignent de rapports complexes avec cette civilisation ; à certains égards Adair contraste encore l’image un peu usée du bon sauvage, naturellement vertueux, à celle des européens corrompus et civilisés[28]. Mais il faut bien préciser le sens de cette représentation: la célébration des indiens visait en effet à critiquer la société britannique surtout en tant qu’elle n’arrivait pas à comprendre et à administrer convenablement les colonies du Nouveau Monde, qui possédaient des mœurs plus simples et qui agissaient, elles, dans un esprit d’entreprise et de découverte non encore flétri par les fausses commodités de la civilisation. L’idéalisation du bon sauvage paraît donc subordonnée et fonctionnelle à une défense de la société coloniale contre celle métropolitaine[29]. Et en effet, quand il s’agissait de promouvoir les intérêts de cette société, parmi lesquels, bien entendu, l’expansion vers les territoires de l’Ouest, Adair n’hésitait pas à blâmer la civilisation indienne se confrontant avec celle occidentale, et semblait repousser l’idée du bon sauvage, en la renversant dans celle d’un individu inculte, belliqueux, hostile aux colonies, qui arrête, par sa présence, le développement de la civilisation. La prétention aux terres des tribus – surtout celles qui s’étaient le plus opposées aux colonies américaines - valait très peu de chose, à ses yeux, face aux droits de ces colonies :
Justice to ourselves and neighbours, condemns the shortening the planter’s days, by confining their industrious families to unhealthy low lands, when nature invites them to come out, to enjoy her bountiful gifts of health and wealth, where only savage beasts prey on one another, and the bloodier two-footed savages, ramble about to prey on them, or whatsoever falls in their way. [...] our rulers ought not to allow so mischievous and dangerous a body as the Muskohge to ingross this vast forest, mostly for wild beasts. This haughty nation is directly in the way of our valuable southern colonies, and will check them from rising to half the height of perfection, which the favourableness of the soil and climate allow, unless we give them severe correction, or drive them over Missisippi [sic], the first time they renew their acts of hostility against us, without sufficient retaliation or drive them over the Missisippi, the first time they renew hostility[30].
La seule chance d’une composition des intérêts indiens et coloniaux consistait, selon Adair, dans une progressive assimilation des tribus qui, au contraire des Muskoghe, étaient demeurées fidèles aux américains[31] ; mais il s’agissait là d’un but qui n’était pas facile à réaliser, étant donné l’attachement des indiens à leur liberté : «the Indians are to be persuaded by friendly language; but nothing will terrify them to submit to what opposes their general idea of liberty»[32]. La liberté des indiens pouvait donc être imaginée comme un possible obstacle dans les rapports avec les européens, à l’intérieur d’une représentation de deux civilisations n’ayant plus de liens politiques entre elles.
7. On peut trouver dans l’œuvre de Thomas Pownall, publiée une dizaine d’années avant la History d’Adair, une réflexion très attentive sur les raisons qui opposaient la liberté des indiens à celle des colonies. Au centre de son raisonnement, l’idée que la liberté dépendait de la manière dont chaque civilisation indienne occupait le sol et se procurait ses subsistances :
the different manner in which this globe of earth is possessed, and occupied by the different species of the human race which inhabit it, must form the specific difference in their interests and politicks[33].
Les indiens ne pratiquant pas l’agriculture mais la chasse, ne possédant
ni de demeure fixe ni l’idée de la propriété, ils
ne ressemblaient point à des communautés politiques ; point
de pouvoir civil, ni administratif, ni judiciaire : la seule autorité
reconnue était celle de la sagesse[34] ;
les indiens étaient donc libres, mais d’une façon tout
à fait différente des européens ; leur liberté
dépendait de la sauvagerie[35],
tandis que celle des colonies était fondée sur les lois et sur
la propriété ; ces deux différentes formes de libertés
se confrontaient sur le problème de la possession des terres, car les
indiens en avaient besoin pour pratiquer la chasse, tandis que les colonies
pour leur agriculture[36]. Malgré
l’effort de Pownall pour démontrer qu’après tout
une coexistence était possible[37],
le problème du destin des indiens par rapport à l’expansion
coloniale restait posé ; en 1764 Pownall n’était
pas disposé à parier sur le résultat de cette confrontation[38],
préférant envisager une solution diplomatique à une militaire[39].
Mais les négociations entre ces deux civilisations n’étaient
pas destinées à composer leurs intérêts, bien au
contraire elles aboutissaient dans l’abandon spontané des terres
par les indiens, c’est-à-dire dans la victoire des colonies :
il s’agissait seulement d’attendre que le temps vienne.
La représentation des indiens d’Amérique de Pownall annonçait
de façon très claire la théorie du développement
socio-historique élaborée dans les années à suivre
par Adam Smith, John Dalrymple, Lord Kames, William Robertson, Adam Ferguson,
John Millar ; il s’agit d’une théorie tellement bien
connue qu’il n’est pas nécessaire d’en discuter ici[40].
Il est quand même intéressant de signaler de quelle façon
cette théorie a consolidé la représentation de la liberté
indienne et surtout de son destin par rapport à la civilisation européenne
et coloniale.
L’idée d’une confédération telle que celle
des Iroquois que Colden avait célébrée il y a vingt ans
était désormais effacée par celle d’un ensemble
de tribus dont les seuls liens consistaient dans l’autorité très
faible des anciens chefs, dans leur sagesse et leur conseil, sans doute pas
dans une véritable organisation politique : William Robertson
était très clair à ce propos en reliant l’idée
de la liberté indienne avec celle d’une indépendance sauvage :
all are freemen, all feel themselves to be such, and assert with firmness the rights which belong to that condition. [...] No visible form of government is established. The names of ‘magistrate’, and ‘subject’ are not in use. Every one seems to enjoy his natural independence almost entire[41].
8. On peut aisément trouver des affirmations pareilles encore sous
la plume de John Millar et de Sainte-Croix. Le premier, en exploitant les
récits de voyage (parmi les quels ceux de Lafitau, Charlevoix et Carver),
identifiait dans les indiens de l’Amérique «la forme la
plus simple et la plus grossière» de gouvernement patriarcale,
caractérisée par un chef ne possédant pas de moyens pour
imposer son autorité de façon durable[42].
Tout comme Millar, selon Sainte-Croix aussi, qui en 1798 discutait les diversités
des confédérations politiques de la Grèce avec celle
bien plus complexe des États-Unis, on disposait encore d’un exemple
du véritable caractère de quelques unes des confédérations
grecques dans les tribus des indiens d’Amérique : il s’agissait,
bien entendu, d’une confédération patriarcale[43].
Il est surprenant que Jefferson, défenseur des indiens par rapport
aux idées de Buffon, ne disait rien sur leur organisation politique
dans les Notes on Virigina. Pourtant, Buffon avait écrit que
la société la plus intime de toutes, celle de la même famille n’a donc chez eux que de faibles liens; la société d’une famille à l’autre n’en a point du tout; dès lors nulle réunion, nulle république, nulle état social[44].
Est-ce que Jefferson partageait en ce cas le jugement de Buffon? Son opinion était nuancée, d’après un alinéa que Charles Thomson à ajouté aux Notes de Jefferson sur ce point, avec son consentement :
but it is said, they are averse to society and a social life. Can anything be more inapplicable than this to a people who always live in towns or clans? Or can they be said to have no ‘republic,’ who conduct all their affairs in national councils, who pride themselves in their national character, who consider an insult or injury done to an individual by a stranger as done to the whole, and resent it accordingly? In short, this picture is not applicable to any nation of Indians I have ever known or heard of in North America[45].
9. Cette représentation de la sociabilité des indiens est un
nouveau exemple des approches différenciés à leur civilisation
et des rapports complexes avec elle. Bien que leur communauté politique
restait bien distinguée de celle des États-Unis dans l’imaginaire
colonial et européen, elle obligeait à une prise en compte difficile.
Il s’agissait, comme l’expliqua encore le traducteur français
des Notes de Jefferson, Morellet, tout au plus d’une «sorte
de confédération patriarchale»[46],
ce qui revenait une fois de plus à la théorie des modes de subsistance.
On n’était quand même pas disposé à nier
le caractère politique des cette confédération :
les indiens étaient capables de prendre des décisions collectives
en se réunissant en conseil[47].
Le problème qui en résultait était alors bien évidemment
celui de la possibilité d’une convergence d’intérêts.
Leur liberté devenait de plus en plus inconciliable avec celle de la
fédération américaine, et était destinée
à être repoussée par celle-ci.
Le drame de la condition des indiens, l’absence d’issues sauf
la conversion aux modes occidentales (ce qui en tout cas signifiait la perte
de leur identité « différente ») fut exprimé
par Alexis de Tocqueville de façon très lucide, à un
moment où l’expansion des États-Unis vers l’Ouest
avait déjà montré le destin des indiens :
le nègre est placé aux dernières bornes de la servitude; l’Indien, aux limites extrêmes de la liberté; L’esclavage ne produit guère chez le premier des effets plus funestes que l’indépendance chez le second. [...] Il [l’Indien] se complaît dans cette indépendance barbare, et il aimerait mieux périr que d’en sacrifier la moindre partie. La civilisation a peu de prise sur un pareil homme. [...] L’Indien [...] a l’imagination toute remplie de la prétendue noblesse de son origine. Il vit et meurt au milieu de ces rêves de son orgueil. Loin de vouloir plier ses mœurs aux nôtres, il s’attache à la barbarie comme à un signe distinctif de sa race, et il la repousse moins encore peut-être en haine d’elle que dans la crainte de ressembler aux Européens. [...] Le nègre voudrait se confondre avec l’Européen, et il ne le peut. L’Indien pourrait jusqu’à un certain point y réussir, mais il dédaigne de le tenter. La servilité de l’un le livre à l’esclavage, l’orgueil de l’autre à la mort[48].
Cette conversion manquée n’était pas le résultat des seuls préjugés indiens ; elle remontait à des causes complexes, que Tocqueville analysait tout au long du chapitre, tel qu’un processus trop rapide pour que les Indiens ne puissent l’assimiler. Il n’en reste pas moins que le problème de l’irréductibilité des formes de la liberté des indiens à celles occidentales n’avait été résolu que sur le plan du destin historique : la possibilité d’une véritable rencontre entre ces deux civilisations avait été manquée.
[1] F. JENNINGS, The Ambiguous Iroquois Empire. The Covenant Chain Confederation of Indian Tribes with English Colonies, from its beginnings to the Lancaster Treaty of 1744, W.W. Norton & Company, New York – London 1984; ID., Iroquois Alliances in American History, dans F. JENNINGS (ed.), The History and Culture of Iroquois Diplomacy, Syracuse University Press, Syracuse (New York) 1985, p. 37-65; ID., Empire of Fortune. Crowns, colonies, and tribes in the Seven Years War in America, W.W. Norton & Company, New York – London 1988; ID., Benjamin Franklin. Politician, W.W. Norton & Company, New York – London 1996; ID., The Creation of America. Through Revolution to Empire, Cambridge University Press, Cambridge 2000; C. G. CALLOWAY, The American Revolution in Indian Country. Crisis and diversity in Native American communities, Cambridge University Press, Cambridge 1995.
[2] R. L. MEEK Social science and the ignoble savage, Cambridge University Press, Cambridge – London - New York 1976. Pour la période précédente au XVIIIe siècle, voir A. PAGDEN, The fall of natural man. The American Indian and the origins of comparative ethnology, Cambridge University Press, Cambridge 1982, qui insiste également sur le manque d’une approche relativiste et ethnologique à la ‘diversité’ des indiens jusqu’au XVIIIe, (pp. 1-5, 198-200).
[3] Pour une présentation d’ensemble de ces événements et des rapports entre indiens, français et Anglais, voir A. A. CAVE, The French and Indian War, Greenwood Press, Wesport (Connecticut) - London 2004.
[4] Cadwallader Colden (1688-1776), d’origine écossaise, en 1710 débarqua à Philadelphie, et de là à New York (1718), où il milita dans le courant politique de William Burnet et George Clinton; surveyor general of New-York en 1720, il fut gouverneur de la colonie du 1761 à 1776 (voir W. R. JACOBS, Cadwallader Colden’s Noble Iroquois Savages, dans H. L. LEDER (ed.), The Colonial Legacy, Harper & Row, New-York 1973, p. 12-58. Il resta fidèle au gouvernement britannique, en essayant d’imposer le Stamp Act.
[5] C. COLDEN, The History of the Five Indian Nations of Canada, [...] In which are shewn, The great Advantage of their Trade and Alliance to the British Nation [...], printed for John Whiston [...] and Lockyer Davis, and John Ward, London 1750 (the second edition). [On note désormais cette édition H.F.N.).
[6] La History de Colden se proposait d’analyser les rapports avec les iroquois dès l’inclusion de la colonie de New York à l’Angleterre jusqu’au Traité de Rijswick; mais dans les éditions suivantes Colden élargi son analyse jusqu’au 1746 (l’édition que j’ai consultée [1750, BNF, côte 8-LK 12-764] présente cinq suppléments).
[7] H.F.N., Introduction, pp. 4, 13.
[8] Ivi, p. 2.
[9] Ivi, pp. 4-5.
[10] Dans l’analyse des rapports entre les Six Nations et les Anglais on a cru trouver au moins trois courants : les neutralistes, les francophiles et les anglophiles (voir D. K. RICHTER, The Ordeal of the Longhouse. The Peoples of the Iroquois League in the Era of European Colonization, University of North Carolina Press, Chapell Hill and London 1992) ; d’autres ont souligné le rôle actif de la neutralité indienne («aggressive neutrality»), comme tactique pour repousser à la fois les anglais et les français (F. ANDERSON, Crucible of War. The Seven Year’s War and the Fate of Empire in British North America, 1754-1766, Alfred A. Knopf, New York 2000, pp. 11-32); d’autres encore ont parlé de «unintentional emergence of the much vaunted policy of Iroquois neutrality after 1701» (G. E. DOWD, Wag the Imperial Dog: Indians and Overseas Empires in North America, 1650-1776, dans PH. J. DELORIA - N. SALISBURY (eds.), A Companion to American Indian History, Blackwell, Malden (USA) - Oxford (UK) 2002, pp. 46-63, spéc. p. 58).
[11] H.F.N., Introduction, p. 1. Cet aspect est très douteux: chacune des nations réclamant son indépendance (ce que Colden lui-même admettait, voir Introduction, p. 10), le désaccord parmi les différentes tribus était assez fréquent. L’origine même des Five Nations (Six Nations après l’entrée des Tuscarora dans l’alliance, 1722) n’est pas claire, mais il semble désormais assuré qu’elles ne formaient pas un corps politique ; il s’agissait plutôt d’une assemblée entre différentes tribus qui discutaient, selon des rituels bien précis, leurs rapports réciproques (voir E. TOOKER, The League of the Iroquois: Its History, Politics, and Ritual, dans W. C. STURTEVANT (general editor) Handbook of North American Indians, vol. 15, B. G. TRIGGER (volume editor), Northeast, Smithonian Institution, Washington 1978, pp. 418-441 ; D. K. RICHTER, The Ordeal of the Longhouse. The Peoples of the Iroquois League in the Era of European Colonization, University of North Carolina Press, Chapell Hill - London 1992; W. N. FENTON, The Great Law and the Longhouse. A political Hisotry of the Iroquois Confederacy, University of Oklahoma Press, Norman 1998 ; voir aussi F. JENNINGS The Ambiguous Iroquois Empire cit.; sur les origines de la ligue, spéc. pp. 25-46).
[12] Colden attribuait quand-même aux Five Nations le caractère expansif des Romains: H.F.N., Introduction p. 5. La soumission des autres tribus aux Six Nations fut discutée déjà en 1819 par John HECKEWELDER, History of manners, and customs of the Indian nations who once inhabited Pennsylvania and the neighboring states, Philadelphia, Arno Press, New York 1971 [1876, 1° éd. An Account of the History [...], 1819] pp. xxiii-xl: missionnaire adhérant à l’église morave, il suivit Christian Frederic Post chez les Tuscarawas (1762), et David Zeisberger chez les Delaware (1771). Dans la tribu morave des Delaware il prit partie à la Révolution, et joua un rôle dans le Traité de Post Vincennes (septembre 1792). Dans ses recherches historiques, encadrées dans les activités de la American Philosophical Society, il diffusa le point de vue des Delaware sur les rapports entre ceux-ci et les Six Nations (en renversant la représentation de Colden) ; Heckewelder mit en relief que les Delaware n’étaient pas des tribus soumises par les Iroquois, une idée qui était le résultat de la propagande anglaise et coloniale (partagée par Colden) visant à imposer le contrôle sur les autres tribus par le biais de leurs alliés. Voir aussi F. JENNINGS, The Ambiguous Iroquois Empire cit., pp. 10-17, 212-213, N. SALISBURY, Native People and European Settlers in Eastern North America, 1600-1783, dans B. G. TRIGGER – W. E. WASHBURN (ed.s), The Cambridge History of the Native Peoples of the Americas. North America, Part I-II, Cambridge University Press, Cambridge - New York - Melbourne 1996, vol. I, part. 1, pp. 399-460, spéc. p. 430-431; G. E. DOWD, Wag the Imperial Dog cit., pp. 59-60 et ID., War Under Heaven. Pontiac, the Indian Nations & the British Empire, Johns Hopkins University Press, Baltimore and London 2002, pp. 185-190.
[13] H.F.N., p. 5. La rencontre du 22 janvier 1690, qui donna lieu, selon le rapport de Colden, au renforcement de l’alliance avec les Anglais (au dépens des Français), était considérée le «Council or Parliament of the Five Nations» (II 2, p. 106). Sur l’introduction du Covenant Chain voir F. JENNINGS, The Ambiguous Iroquois Empire cit., p. 160 et G. E. DOWD, War Under Heaven cit., pp. 35-36.
[14] W. R. JACOBS, Diplomacy and Indian Gifts Anglo-French Rivalry Along the Ohio and Northwest Frontiers, 1748-1763, Stanford University Press, Stanford (California) 1950, p. 87, F. JENNINGS, The Ambiguous Iroquois Empire cit., pp. 170-194, qui rappelle aussi que le Covenant Chain ne se trouve pas dans la «Great Binding Law», c’est à dire dans un recueil des traditions iroquoises rédigé au XIXe siècle; ce qui remet en cause la valeur de ces accords pour les Indiens.
[15] D’ici, par exemple, la nécessité de la part des colons de trouver un langage adéquat : ils comprirent l’importance des dons dans les négociations avec les indiens : W. R. JACOBS, Diplomacy and Indian Gifts cit.
[16] E. ATKIN, [The Appalachian Indian Frontier]. The Edmond Atkin Report and Plan of 1755, edited with an Introduction by Wilbur R. Jacobs, University of Nebraska Press, Lincoln, 1967, Plan, p. 92. Atkin ne doutait pas de la dépendance des Six Nations de la colonie de New York, voir pp. 14 et 16. Dans le signe de Colden, Atkin plaidait la convergeance entre les intérêts des indiens et ceux des colons: Report, pp. 39-40..
[17] Voir, à ce propos, F. JENNINGS, Empire of Fortune cit., p. 88.
[18] E. LEWIS, Geographical, Historical, Political,Philosophical and Mechanical Essays, the First containing an Analsysis of a General Map of the Middle British Colonies in America; and of the Country of the Confederate Indians [...], printed by B. Franklin and D. Hall, Philadelphia 1755, p. 14: «the number of Nations [indiennes] is far less than is commonly imagined. The Notions that every little Society is a separate Nation; that the Chief of a Village is a King, or that there is any such Thing as coercive Power amongst the American Natives of these Parts, so generally maintained by the English, are without the least Foundation. All their States being Republic in the strictest Sense; and the Chiefs, as we call them, are only such in Virtue of their Credit, not their Power».
[19] L. W. LABAREE (ed.), The Papers of Benjamin Franklin, Yale University Press, New Haven 1960-, vol. 4, pp. 117-119 [B.F. to James Parker, Philadelphia, March 20, 1750/1]. Pour un commentaire de ce texte, voir F. JENNINGS, The Ambigugous Iroquois Empire cit., ID., Benjamin Franklin cit., pp. 89-93, ID. Empire of Fortune cit. , W. FENTON, The Great Law; dans un sens différent, voir B. E. JOHANSEN Shapers of the Great Debate on Native Americans Land, Spirit, and Power. A Biographical Dictionary, Greenwood Press, Westport - London 2000, pp. 40-46, (fondé sur J. P. BOYD Dr. Franklin, Friend of the Indian, dans R. N. LOKKEN (ed.), Meet Dr. Franklin, Franklin Institute Press, Philadelphia 1981, pp. 239-245). Moins problématique le commentaire de W. ISAACSON, WALTER, Benjamin Franklin. An American Life, Simon & Schuster Paperbacks, New York 2003, pp. 158-162.
[20] F. JENNINGS, Benjamin Franklin cit.
[21] [CH. THOMSON], An Enquiry into the Causes of the Alienation of the Delaware and Shawanese Indians from the British Interest, and into the Measures taken for recovering their Friendship [...],Printed for J. Wilkie, at the Bible, in St. Paul’s Church-yard, London 1759. L’Enquiry, se présente sous forme d’une chronique des traités entre les Six Nations et les colonies (avec des extraits tirées des «public records»), à partir du 1722 jusqu’au 1757. Pendant la guerre des Sept Ans (ou «French-Indian War») le Covenant Chain ne suffisait plus à régler les rapports entre Iroquois, les tribus alliées, les colonies: voir F. JENNINGS Empire of Fortune cit., p. 381, J. KEENAN, Encyclopedia of American Indian Wars, 1492-1890, ABC-CLIO, Santa Barbara – Denver - Oxford 1997, p. 87-89; G. E. DOWD, Wag the Imperial Dog cit., pp. 60-63.
[22] «Tribes and Nations under His Majesty’s immediate protection»: voir G. E. DOWD, War under Heaven cit., pp. 177-185, 233-248.
[23] Et encore: «no Nation of Indians have any word which can express, or convey, the Idea of Subjection»: citations empruntées de G. E. DOWD, War under Heaven cit., pp. 181, 185.
[24] Les faits se passèrent en 1764 : voir G. E. DOWD, War under Heaven cit., pp. 191-203, W. ISAACSON, Benjamin Franklin. An American Life, Simon & Schuster Paperbacks, New York 2003, pp. 210-214.
[25] The Apology of the Paxton Volunteers addressed to the candid & impartial World, dans J. R. DUNBAR (ed.), The Paxton Papers, Martinus Nijhoff, The Hague 1957, pp. 193-194.
[26] J. ADAIR, The History of the American Indians ; particularly, those Nations adjoining to the Missisippi, East and West Florida, Georgia, South and North Carolina, and Virginia [...]Printed for Edward and Charles Diley, in the Poultry, London 1775, pp. 378-379 [On note désormais cette édition H.A.I.].
[27] H.A.I., p. 427-428.
[28] W. E. WASHBURN, James Adair’s “Noble Savages”, dans L. H. LEDER (ed.), The Colonial Legacy, pp. 91-120, parle de «barely concealed indictment of white society and its celebration of the virtues of the “noble savage”. Voir aussi B. G. TRIGGER – W. E. WASHBURN (eds.), The Cambridge History of the Native Peoples of the Americas, North America, Part I-II, Cambridge University Press, Cambridge - New York - Melbourne 1996, p. 74.
[29] Voir le discours mis en scène par Adair entre un chef indien et lui –même, dans la partie de son histoire dédiée aux tribus du Nord ; il écrivait, par exemple : «the equality among the Indians, and the just rewards they always confer on merit, are the great leading – the only motives that warm their hearts with a strong and permanent love to their country; [...] It were to be wished, that our military and naval officers of all ranks, instead of their usual harsh and imperious behaviour, would act the part of mild and good-natured patrons to those under them», (H.A.I., p. 379) ; ou encore : «the friendly and warlike Indians have an intense affection to their country and people, and so have the British Americans: and whatever some may think of the colonists martial abilities, our wise statesmen may be soon convinced, that they will be able to maintain all the invaluable blessings of free men for themselves, and convey them to their posterity in their purity and lustre, according to the old English constitution, which is built on plain wholesome laws, and not on the sophisms of tyranny», (p. 427).
[30] H.A.I., p. 457.
[31] Adair affirmait en effet qu’il était possible pousser «uncorrupt part of the Indians [...] toward their being civilized», (H.A.I., p. 363) , en raison de leur familiarité et des bonnes relations avec les marchants européens ; voir aussi quelques pages plus avant, où Adair insiste sur la possibilité «of civilizing and reforming the savages», (p. 366).
[32] H.A.I., pp. 368 et 371.
[33] TH. POWNALL, The Administrations of the Colonies, London, J. Wilkie, 17652, p. 155. [On note désormais cette édition A.C.]
[34] A.C., pp. 157, 159.
[35] Le mot est employé une fois au moins: «our frontier settlements must ever lie at the mercy of the savages», (A.C., p. 164).
[36] A.C., pp. 162-163. Pownall évoquait l’essai de Charles Thomson, The causes of the alienation of the Delawares. Il suggérait de suivre l’exemple de William Johnson dans la conduite avec les indiens, qui avait gagné des territories considérables par des traités (récemment, ceux du Niagara: pp. 178-179).
[37] A.C., pp. 159, 176: «from the European desire of having the furs and peltry of the Indian hunters, and from the Indian desire of having the more useful and necessary tools and instruments of improved life, an artificial reciprocation of wants has arisen between the European settlers, and the original inhabitants of America [...]» (italique notre); voir encore p. 176: «As hunters, their interest can never interfere with ours, as settlers; but, on the contrary, will become the source of the natural and most profitable trade to us as traders».
[38] Il redoutait, en effet, l’engagement économique et la perte de population ainsi que de moyens de subsistance ; il maintenait que les colons étaient des cultivateurs ou des commerçants, pas des guerriers et en petit nombre par rapports aux indiens. Voir A.C., pp. 163-165.
[39] A.C., p. 176.
[40] R. MEEK, Social Science cit., et D. FRANCESCONI, L’età della storia. Linguaggi storiografici dell’illuminismo scozzese, il Mulino, Bologna 2003.
[41] W. ROBERTSON, The History of America, at the Foreign Library, Paris 1828 [1777], IV, 4, pp. 179-180.
[42] J. MILLAR, Observations sur les commencemens de la société, traduit de l’Anglois d’après la seconde édition, chez Akstée et Merkus, à Amsterdam 1773, chap. III, sect. 2, pp. 234-235 «dans aucun [village] elle ne paroît être fort considérable. Si on ne lui [au chef] désobéit jamais, c’est qu’il est très réservé dans l’usage qu’il fait de son pouvoir». Le conseil des anciens délibérant sur les affaires communes, pour le reste chaque individus était libre de se faire justice à son gré (pp. 236-239). On cite d’après l’édition consultée par Sainte-Croix
[43] G.- E. GUILHEM DE CLERMONT-LODÈVE, baron de SAINTE-CROIX, Des anciens gouvernements fédératifs et de la législation de Crète, s.e., Paris an VII [1798], pp. 3-9 ; l’argument de Sainte-Croix était développé par des renvois aux textes de John Millar (dont il lisait la deuxième édition des Observations) et de Thomas Jefferson (Notes on the State of Virginia, qu’il lisait dans la traduction française de l’abbé Morellet).
[44] Cité d’après TH. JEFFERSON, Notes on the State of Virginia, with an Appendix, fourth American edition, Jansen & Co, New York 1801, (query vi), p. 87.
[45] TH. JEFFERSON, Notes on Virginia cit., Appendix 4, p. 305.
[46] [TH. JEFFERSON], Observations sur la Virginie par M. J***, traduites de l’Anglois, chez Barrois, à Paris, 1786 p. 156.
[47] «Conseil national, composé des Chefs des tribus accompagnés des principaux guerriers et d’un certain nombre de Chefs des bourgs, qui sont comme leurs conseillers», [TH. JEFFERSON], Observations cit., pp. 155-158. Robertson avevait écrit: «the object of government among savages is rather foreign than domestic»: W. ROBERSTON, The History of America cit., IV, 4, p. 180.
[48] A. DE TOCQUEVILLE, De la Démocratie en Amérique (1835-1840), Biographie, préface et bibliographie par François Furet, GF Flammarion, Paris 1981, II 10, vol. 1, pp. 429-430.