Conflits de compétence aux frontières.
Le contrôle de la circulation des hommes et des marchandises dans le royaume de Majorque au XVIIe siècle

Natividad Planas
Université Blaise Pascal, Clermont II

1. Si le concept de frontière est aujourd'hui très proche de l'idée de limite et d'entrave, il a une histoire qui, au départ, l'en distingue, voire l'y oppose. Le terme "frontière" est, à l'origine, intimement lié à l'idée de guerre : la frontière est un front, un lieu de combats ou bien un lieu où, éventuellement, peuvent se tenir des combats[1]. L'Espagne contrôle une bonne partie du périmètre côtier de la Méditerranée occidentale, ainsi que la majorité des territoires insulaires (Baléares, Sardaigne et Sicile). En outre, elle possède plusieurs enclaves sur la côte maghrébine, les présides, avant-postes de l'Espagne en terres d'Islam[2]. L'ensemble de ces territoires est, dans le sens où l'entend la langue classique, une "frontière", car les rapports d'inimitié entre la Monarchie hispanique et l'Empire ottoman se prolongent jusqu'aux dernières décennies du XVIIe siècle[3]. En raison de la place jadis accordée à l'histoire militaire, les affrontements entre chrétiens et musulmans ont longtemps retenu l'attention des historiographies locales qui, adoptant parfois une perspective manichéenne, ont considéré que le voisinage avec les terres d'Islam eut un effet déstabilisateur sur les territoires chrétiens[4]. Sans aller jusque-là, on pourrait aisément supposer, en raison du peu de travaux consacrés aux dynamiques sociales frontalières, que ces sociétés furent, d'une part, des lieux de consensus social en raison de l'idée fort répandue selon laquelle l'existence d'un ennemi extérieur resserre les liens des sociétés et, d'autre part, des lieux fortement investis par le pouvoir royal, pour des motifs stratégiques. Or, ces idées, rarement explicites, toujours en filigranes, prennent appui sur une représentation trop approximative des modalités de l'exercice du pouvoir au sein de la Monarchie hispanique, ainsi que sur une représentation partielle des activités frontalières. Étudiant le statut légal du commerce avec les terres d'Islam dans le cadre de mes travaux sur le Royaume de Majorque, j'ai pu constater que celui-ci ne s'inscrit pas obligatoirement dans la sphère de l'interlope. Des échanges commerciaux entre les territoires espagnols et les territoires musulmans voisins peuvent avoir lieu avec le consentement de la Couronne[5]. En outre, soulignons-le, la pluralité des normes et des directives ayant pour objet la réglementation de la circulation des biens, ne constituent pas un système homogène et se prêtent à des interprétations contradictoires. Par conséquent, les décisions prises dans ce domaine, au niveau politique, sont le résultat de conflits et de négociations entre deux instances de pouvoir, la Couronne et l'Universitat de la Ciutat i Regne de Mallorca, organe de gouvernement local[6]. De ce fait, les rapports de force entre pouvoirs interviennent de manière décisive dans l'ouverture ou la fermeture de la frontière marchande.

2. Si l'on fait varier l'échelle, et que l'on situe le champ d'observation au niveau des espaces portuaires et côtiers, on constate que le contrôle de la circulation des hommes et des biens constitue un deuxième niveau d'action, où les rapports de force sont également présents. Là, d'autres acteurs font leur apparition. Tout comme dans un grand nombre de territoires de la Monarchie hispanique, dans le Royaume de Majorque et ses îles adjacentes, les principales autorités compétentes dans le domaine du contrôle de la circulation des biens et des hommes sont l'administration royale et l'Inquisition. La première, chargée de faire respecter les normes de l'embargo à l'encontre des navires battant pavillon ennemi, est légitimement présente dans le cadre portuaire[7]. La seconde est tenue de veiller à ce que la pratique de la religion catholique demeure conforme aux dogmes tridentins en traquant les déviances religieuses, mais aussi en surveillant les frontières terrestres et maritimes[8]. Ce qui retient particulièrement mon attention est que, dans ce domaine, tout comme dans la sphère du gouvernement politique, la pluralité des acteurs institutionnels impliqués et l'ampleur de leurs compétences sont à l'origine de nombreux conflits, dont les enjeux doivent être déterminés. Précisons que cela nous conduit à appréhender l'action de l'Inquisition sous un angle inhabituel, celui de sa participation au sein de la sphère sociale en tant que corps institutionnel et non plus uniquement en tant que tribunal de la foi. Il s'agit là de la face cachée du tribunal, celle que l'historiographie a fort peu dévoilée en raison, sans doute, des difficultés inhérentes à l'exploitation de la documentation relative à ces questions. Or, il convient de rappeler que, le tribunal a des compétences en droit civil et en droit pénal[9] (en particulier, dans les territoires de la Couronne d'Aragon) et que, de ce fait, son action s'est étendue bien au-delà du domaine de la foi, concurrençant activement la juridiction royale en de nombreux domaines. Les nombreux procès civils et pénaux, mais aussi les procès pour ‘entrave'à la juridiction inquisitoriale", conservés dans le fonds Inquisition de l'Archivo Histórico Nacional de Madrid en témoignent. Bien qu'ils n'aient pas souvent attiré l'attention des historiens, ils constituent une part importante de la documentation inquisitoriale actuellement disponible[10]. Par ailleurs, la documentation produite par l'administration royale est également riche en informations concernant les différends entre le pouvoir royal et l'Inquisition[11]. Elle permet d'éclairer de manière contrastée le jeu de pouvoir complexe auquel se livrent les deux institutions et dont les enjeux ne sont pas uniquement religieux ou politiques. Quels sont les motifs de leurs conflits ? Comment légitiment-elles leurs actions ? Quelle attitude adopte le pouvoir monarchique face à une telle situation ? Que nous apprennent de tels conflits sur les sociétés frontalières ?


Acteurs et conflits


3. Dans les royaumes d'Espagne à l'époque moderne, le contrôle de la circulation des hommes et des biens n'est pas, comme de nos jours, assumé par une seule administration, celle des douanes, dont les tâches et les capacités d'action sont définies par l'État. A Ciutat de Mallorca (aujourd'hui Palma de Majorque), comme dans tous les ports de la Monarchie hispanique, une foule de contrôleurs se presse à l'arrivée d'un navire : les officiers de santé, les percepteurs des droits portuaires revenant à la municipalité, le percepteur des droits revenant au pouvoir royal, ainsi que les commissaires royaux et inquisitoriaux qui réalisent des tâches de contrôle destinées à empêcher l'entrée de certains biens ou de certaines marchandises, pour des motifs politiques ou religieux. En fait, le terme duana que l'on trouve dans les textes ne désigne pas une administration chargée du contrôle de la circulation des marchandises, mais le lieu où les percepteurs de taxes sur l'importation et l'exportation de marchandises exercent leur fonction. Dans le Royaume de Majorque, la Casa del victigal de la Duana n'est que le bâtiment où les marchandises importées sont examinées par les administrateurs (ou les fermiers) à qui l'Universitat et l'administration royale ont confié la perception de taxes leur revenant. Ceux-ci agissent isolément et ne rendent de comptes qu'à l'administration par laquelle ils sont mandatés. Ils ne constituent donc pas un corps institutionnel unique.
Quant aux officiers supervisant la circulation des marchandises, ils n'émanent pas non plus d'une même instance de pouvoir. Les officiers de l'administration royale et de l'administration inquisitoriale réalisent séparément des visitas de navires, c'est-à-dire à des perquisitions dans les navires amarrés dans les ports des trois plus grandes îles[12]. A Majorque, c'est à Portopi, le port de Ciutat de Mallorca, ainsi qu'à Alcudia que ces contrôles ont lieu ; à Minorque, c'est à Mahon et à Ciudadella ; à Ibiza, c'est dans le port de la forteresse d'Ibiza. Car les autres ports ne sont pas habilités à délivrer des guiatges, c'est-à-dire des autorisations de débarquer. Cette routine est certainement ennuyeuse pour les patrons de navire, mais il semble que dans d'autres ports de la Monarchie hispanique le protocole ait été bien plus lourd en raison de l'existence d'un plus grand nombre d'instances de contrôle[13]. En procédant à ces visitas, l'administration royale cherche à vérifier si les navires transportent des ‘marchandises de contrebande', c'est-à-dire des marchandises fabriquées ou produites dans des territoires ennemis, soit pour les saisir et en empêcher la commercialisation afin de faire respecter l'embargo, soit pour les taxer selon les directives royales en vigueur. Quant à l'Inquisition, elle vérifie, par ce même biais, que les navires ne transportent pas des personnes adeptes d'autres religions que la religion catholique ou bien des objets pouvant porter atteinte à cette religion, c'est-à-dire des livres ou des images religieuses non conformes aux dogmes définis par le Concile de Trente (des bibles protestantes, des livres mis à l'index, des objets de culte populaire...).

4. En raison de l'étendue des compétences de l'une et l'autre des juridictions concernées, des conflits de compétence ne manquent pas d'éclater lors des perquisitions de navires. Le commerce de marchandises avec les terres d'Islam (tierra de infieles), mais aussi celui avec les territoires où le protestantisme est implanté (naciones heréticas) en sont souvent la cause. Au nom de la foi, l'Inquisition se déclare compétente pour se saisir de telles affaires. De même, le vice-roi et le procureur royal, en raison de leurs attributions militaires et fiscales, peuvent se déclarer tout aussi compétents pour procéder à l'arrestation des équipages et à la saisie des marchandises.
Afin de faire apparaître la complexité juridico-institutionnelle des mécanismes frontaliers, il est indispensable de signaler, que certains privilèges anciens du royaume de Majorque autorisaient les insulaires à commercer avec leurs voisins musulmans[14]. Le souverain, n'ayant pas la capacité juridique d'abroger ceux-ci, se devait de les respecter. Toutefois, la Couronne, qui ne pouvait tolérer le décalage existant entre sa politique extérieure (l'inimité déclarée avec l'Empire ottoman et ses vassaux) et la législation du Royaume de Majorque, tenta d'harmoniser ces deux niveaux en agissant dans le domaine administratif par voie de directives. En effet, en début de mandat, les vice-rois recevaient, une lettre de mission contenant des indications de type officieux concernant le gouvernement de la ‘province' à laquelle ils avaient été affectés. La consigne suivante était énoncée dans chacune de ces lettres de mission : "notre volonté est que, en aucun cas, [...] vous ne fournissiez de sauf-conduits permettant à quiconque de se rendre à Alger ni en d'autres territoires de mes ennemis"[15]. C'était là toutefois une recommandation de type confidentiel, n'ayant pas pour effet le renforcement de la juridiction royale. De ce fait, elle mettait le vice-roi dans une position inconfortable puisqu'elle ne lui conférait pas réellement, d'un point de vue juridictionnel, la capacité de faire face aux résistances locales. En effet, le vice-roi devait inévitablement faire face aux protestations des jurats et du Gran i General Consell toujours prêts à rappeler les franchises et les privilèges du royaume qui concédaient aux Majorquins le droit de commercer avec les terres d'Islam.

5. Même si la documentation disponible en témoigne rarement, la juridiction épiscopale était également en mesure de se déclarer compétente en matière de commerce avec les "ennemis de la foi". Un procès de contrebande réalisé par l'Inquisition à l'encontre du patron de navire majorquin Antoni Già le révèle[16]. Celui-ci avait transporté une quantité de poix importante vers Alger, alors que la Régence participait, aux côtés de l'Empire ottoman, à la guerre contre Venise pour la possession de la Crète (1645-1671). Lorsque l'Inquisition s'empare de l'affaire, elle invoque la bulle In coena domini, interdisant le commerce de denrées ‘stratégiques' avec les ennemis de la foi[17]. Or, l'avocat de l'inculpé, rétorque que ladite bulle étant publiée annuellement à la cathédrale par l'évêque, l'affaire est du ressort du tribunal épiscopal[18]. La documentation disponible ne nous permet pas de savoir quelle fut la réaction de la juridiction épiscopale, mais elle a le mérite d'élargir l'éclairage du champs juridictionnel. Nous sommes toutefois en droit de nous demander si ce pan juridictionnel que s'approprie le Saint Office, en l'occurrence, a jamais été réclamé par la juridiction épiscopale. Les procès de la curie épiscopale de Majorque, s'ils avaient été conservés dans leur intégralité, auraient pu nous permettre de répondre à cette question.
Par conséquent, d'un point de vue théorique et d'un point de vue pratique, les conflits de juridiction en matière de circulation frontalière dépassent largement l'opposition entre le pouvoir royal et l'Inquisition. Néanmoins, limitant notre observation aux espaces portuaires, nous n'étudierons ici que les conflits qui mettent face à face ces deux institutions afin d'en comprendre les mécanismes de manière précise.

Les mécanismes du conflit

6. Au cours du XVIe siècle et du XVIIe siècle, le protocole des perquisitions de navires et l'ordre dans lequel doivent opérer les représentants de chacune des deux autorités fait l'objet de désaccords, dont la résolution semble difficile en dépit de l'arbitrage du souverain. Ces hostilités institutionnelles ont parfois été tenues, par les historiens qui les ont évoquées, pour de simples questions de préséance engendrant des disputes futiles et ponctuelles dont il ne convient pas vraiment de s'occuper. Or, les conséquences de celles-ci sont quelquefois extrêmes et, au demeurant, durables. En outre, en glanant des informations dans les différentes sources disponibles, on constate que les conflits entre l'Inquisition et le pouvoir royal occupent une place centrale dans l'activité inquisitoriale du tribunal de Majorque. La correspondance que ce tribunal adresse à la Suprême en témoigne. En 1644, l'inquisiteur, faisant le bilan des actions judiciaires en cours, affirme que la défense de la juridiction inquisitoriale occupe davantage le tribunal, que le traitement des causes ordinaires, "en raison de l'hostilité dont font preuve à son égard les ministres du pouvoir royal"[19]. Parallèlement, tout au long du XVIIe siècle, les vice-rois font état, dans leur correspondance, des difficultés auxquelles ils se voient confrontés pour le maintien de l'ordre, en raison de l'animosité et du comportement agressif dont l'Inquisition fait preuve à l'égard des représentants du pouvoir royal. Quelles formes prennent ces différends et quelle place occupent-ils dans la sphère sociale ?
L'extension des capacités punitives dont disposait l'inquisiteur, vis-à-vis de tous ceux qui tentaient d'entraver l'exercice de la justice inquisitoriale[20], était tout à fait en mesure de contrecarrer celles qui étaient à la disposition du vice-roi. Les excommunications et les interdits lancés par le premier répondaient aux emprisonnements et aux bannissements prononcés par le second. Une situation des plus classiques est celle qui se présente en décembre 1658. Le vice-roi de Majorque fait savoir au souverain que l'inquisiteur à excommunié les officiers de la Capitania General pour des motifs de préséance, car ces derniers ont perquisitionné un navire génois avant que n'intervienne l'Inquisition[21].

7. En contre-partie, il arrive que l'administration royale face usage de violences, à l'encontre de son adversaire, que des rixes et des affrontements aient lieu et qu'elles s'étendent au-delà de l'espace portuaire. En novembre 1643, par exemple, des commissaires royaux, traquant des ‘ministres' de l'Inquisition, avaient engagé une rixe dans le port, hors des murs de la ville, laquelle s'était poursuivie dans les rues de celle-ci, se terminant aux portes du tribunal de l'Inquisition, au cœur même de l'espace urbain. Quel en fut le motif ? Un renégat, appelé Miquel Cavaller, appréhendé par le commissaire de l'Inquisition d'Ibiza, ‘ministres' du Saint Office prirent possession du prisonnier afin de le conduire au tribunal. Chemin faisant, sept commissaires royaux et un alguacil interceptèrent le cortège, réclamant le prisonnier au nom du vice-roi, Don Lope de Francia. Les ‘ministres' du Saint Office menacèrent d'excommunication les assaillants et parvinrent ainsi à les éloigner momentanément. Alors que le cortège s'engageait dans une ruelle de la vieille ville, les commissaires royaux firent leur apparition à nouveau, cette fois-ci ils étaient armés d'arquebuses et menaçaient de tirer si le prisonnier ne leur était pas remis. Il fallut l'intervention de l'inquisiteur lui-même pour que l'affrontement prenne fin. Toutefois, un procès s'ensuivit contre les commissaires royaux pour entrave à la juridiction inquisitoriale.
La documentation ne précise pas toujours, de manière exacte, les motifs qui poussent les uns ou les autres à agir. Pour éclairer les causes des conflits, il est nécessaire de les situer dans un cadre qui englobe l'ensemble des différends qui mettent face à face les deux institutions. Ni dans le procès contre les commissaires, ni dans la correspondance du tribunal de Majorque à la Suprême, n'est révélée la raison pour laquelle le vice-roi tente de s'emparer du renégat Miquel Cavaller. Toutefois, si l'on explore la correspondance du vice-roi avec le souverain, ainsi que celle que l'Inquisition de Majorque échange avec la Suprême, on comprend que l'incident dont Miquel Cavaller fait l'objet n'est qu'une pièce d'un immense puzzle. Lorsque celui-ci se produit, le vice-roi, le procureur royal et l'inquisiteur sont, depuis deux ans, en conflit pour une autre affaire concernant cette fois-ci un navire hollandais, venu vendre du bois de Norvège à Majorque[22]. L'équipage étant composé de marins protestants, l'Inquisition désire les appréhender.

8. Or, l'administration royale s'est déjà saisie de l'affaire, car, l'Espagne étant encore en guerre avec les Pays-Bas, le bois convoyé par le navire hollandais est considéré comme une marchandise provenant d'un commerce illicite et doit faire l'objet d'un embargo. Les différends entre le procureur royal et l'inquisiteur se multiplient sans que le souverain parvienne à les réconcilier. L'inquisiteur finit par excommunier le procureur royal, lui-même. Le conflit atteint ainsi un palier critique en raison de l'impact que cet événement a dans la sphère sociale. Car le procureur royal, Don Francesc Sureda, n'est pas uniquement un officier de l'administration royale, il appartient aussi à une importante famille noble majorquine. La tentative d'interception du renégat par les commissaires royaux intervient justement, dans ce contexte d'hostilité extrême, comme une tentative désespérée de la part du pouvoir royal de faire échouer certains projets de l'Inquisition. Celle-ci prépare en effet un autodafé public auquel elle désire faire comparaître certains renégats, dont Miquel Cavaller, ainsi que les Hollandais "hérétiques" que le pouvoir royal refuse de livrer. Du fait de sa ténacité, l'Inquisition parviendra à ses fins[23].
En réalité, la documentation disponible ne permet pas de mesurer l'efficacité du contrôle effectué par l'une ou l'autre des institutions. Par contre, elle laisse clairement apparaître la place centrale qu'occupent les conflits de compétence dans les rapports institutionnels. De manière générale, l'objectif de l'administration royale tout comme celui de l'Inquisition est de légitimer ses actions et de produire des preuves de l'opposition active que manifestent à son égard les institutions adverses, en démontrant que celles-ci entravent l'exercice de sa juridiction et de son pouvoir. En soumettant les preuves recueillies à l'arbitrage du souverain, elles tentent d'obtenir la faveur de celui-ci, mais c'est aussi, pour elles, un moyen de prouver leur fidélité, même si, paradoxalement, ceci passe par une lutte acharnée contre d'autres institutions qui sont, elles aussi, au service de la Couronne. En outre, à l'échelle des individus oeuvrant au sein des institutions, les conflits constituent un cadre essentiel dans la mise œuvre des mécanismes de distinction permettant l'accès à la faveur royale, moteur de l'ascension sociale. Par conséquent, l'impression que l'on retire de tout cela est qu'il importe à chacune des institutions de défendre et de renforcer ses prérogatives, plutôt que de déterminer si les navires contrôlés importent des marchandises licites ou non.

Les ambitions de l'Inquisition

9. Les historiens, spécialistes de l'Inquisition, affirment de manière assez unanime que les actions de contrôle réalisées par les inquisiteurs dans les ports prennent fin de manière générale au cours de la première moitié du XVIIe siècle. La documentation majorquine prouve, au contraire, que les ports sont pour cette institution des lieux d'intérêt jusqu'en 1670, au moins. Si l'on adopte une perspective diachronique, afin d'analyser l'évolution des rapports entre le pouvoir royal et le pouvoir inquisitorial à partir des données actuellement disponibles, on observe, au cours du XVIIe siècle, que l'Inquisition de Majorque tente d'accroître son domaine de compétences dans le contrôle de la circulation des hommes et des marchandises au-delà de l'espace portuaire. Quelles sont ses modalités d'action ?
Selon le vice-roi, l'Inquisition est uniquement autorisée à inspecter les navires susceptibles de transporter des objets ou des personnes pouvant nuire à la foi catholique. Or, à plusieurs reprises, l'administration royale informe le souverain que l'Inquisition abuse de son droit, en perquisitionnant systématiquement tous les navires. En outre, dès 1630, cette dernière ne se contente plus d'intervenir dans le contrôle des navires à leur arrivée au port. Elle tente de soumettre à son autorité le contrôle des sorties, en s'opposant à ce que les navires quittent Portopi sans son autorisation. Afin de rendre ses prétentions légitimes, elle demande au souverain de lui octroyer la capacité de délivrer officiellement des sauf-conduits afin de contrôler les cargaisons des navires en partance et d'éviter ainsi l'exportation de biens ‘stratégiques ‘ pouvant renforcer les positions des ennemis de la foi catholique. Or le vice-roi rappelle dans la correspondance qu'il adresse au souverain que cette capacité lui est, en principe, réservée[24]. En dépit de la résistance que lui oppose l'administration royale, l'Inquisition multiplie, au cours du siècle, les actions ayant pour finalité l'accroissement de son pourvoir. Au cours de la dernière décennie, le tribunal du Saint Office tente d'élargir ses compétences, en étendant ses capacités de contrôle jusqu'à l'extrême limite de l'espace insulaire. En effet, autour de 1688, il manifeste son désir d'intervenir dans la désignation des sentinelles qui sont postées aux tours de guet, pour la surveillance du littoral[25]. Encore une fois, ceci revient à empiéter sur le champ des compétences détenues par le vice-roi, mais aussi sur celui de l'Universitat.

10. Quels sont les enjeux stratégiques d'une telle initiative ? En plaçant des familiers aux postes de guetteur, l'Inquisition serait informée avant quiconque de l'arrivée des navires, ce qui lui permettrait d'être la première présente au port pour effectuer les visitas. Elle serait également aux premières loges pour contrôler l'ensemble des zones côtières, en particulier celles qui servent de voie de passage aux marchandises de contrebande ou bien celles qu'empruntent les renégats repentis, les esclaves en fuite ou les morisques en transit, car les ports naturels et les îlots de l'archipel baléare, sont largement ouverts aux escales fugaces de navires barbaresques ou de navires chrétiens ennemis.
Les Baléares ont en effet joué le rôle d'étape pour les navires français se rendant sur les côtes maghrébines car, lorsqu'on navigue en droiture des côtes françaises aux côtes maghrébines, l'archipel se trouve sur le chemin d'Alger. Dès 1578, l'Inquisition de Majorque s'inquiète de ces passages. Dans une lettre au Conseil Suprême, elle dit avoir appris que les navires français, se rendant de Marseille à Alger, transportent à leur bord des luthériens, des juifs et des renégats, n'hésitant pas à faire halte à Majorque par mauvais temps ou par convenance. Elle demande des instructions dans le cas où l'un de ces navires en état d'infraction serait intercepté sur le territoire de l'archipel[26].

"Vos Excellences diront ce qu'il convient de faire contre ces juifs, car eux et les patrons de navire qui les conduisent peuvent éventuellement alléguer qu'ils ont touché terre à cause du mauvais temps".


La réponse du Conseil Suprême ne nous est pas parvenue. Mais l'Inquisition et l'administration royale demeurent en alerte, car les cas se renouvellent et la pratique s'instaure. En 1628, un navire français est arrêté à Porto Petra par les officiers royaux qui décident de la saisie des marchandises et de l'argent qu'il transporte à destination d'Alger[27]. Le capitaine avoue qu'il a pour habitude de faire de telles escales : quelques mois auparavant il s'était arrêté à Cala Murta, crique déserte située à l'extrême nord de l'île de Majorque, à proximité du cap Formentor. Il avait alors à son bord une cinquantaine de passagers morisques, injure faite à l'autorité du roi d'Espagne puisque, depuis leur expulsion en 1609, les morisques ne sont plus autorisés à séjourner dans les royaumes d'Espagne[28].

11. Mais le principal motif de l'intérêt manifesté par l'Inquisition pour la nomination des guetteurs des tours maritimes est certainement le développement du commerce de contrebande, réalisé directement sur les côtes. Jaime Contreras signale qu'il en est ainsi en Galice où le personnel de l'Inquisition entretient, dans ces zones désertes, des rapports de connivence avec les acteurs du commerce interlope, percevant des pots-de-vin en échange d'une totale tolérance[29]. Pour le royaume de Majorque, une exploration documentaire systématique reste à faire dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, la documentation de l'audience royale, révèle combien il est aisé de mettre en place d'amples opérations de contrebande dans la zone sud de l'île, d'une part, grâce à la nature du relief côtier et, d'autre part, grâce à la connivence des habitants et des autorités des villes côtières avec les acquéreurs étrangers[30]. En tout cas, c'est ainsi qu'est écoulée, en 1655, une bonne partie de production céréalière de la zone de Lluchmajor, alors que la vente de céréales, strictement réglementée, ne peut être effectuée que sous le contrôle des jurats de l'Universitat de la Ciutat i Regne de Mallorca[31].

L'intervention du pouvoir royal

12. Dans As visperas do Leviathan, Antonio Manuel Hespanha met en garde contre les conceptions anachroniques du pouvoir politique qui consistent à supposer que, dans les sociétés d'Ancien Régime comme dans les sociétés contemporaines, le pouvoir politique est concentré dans un pôle central unique à partir duquel il se répand vers les périphéries, où il est exercé par des entités hiérarchiquement sujettes au centre. Au contraire, dans les sociétés "pré-révolutionnaires", le pouvoir politique est distribué selon une théorie corporative du social, issue de la pensée sociale médiévale, d'après laquelle chaque corps social, qu'il s'agisse de groupes sociaux, d'institutions ou d'entités territoriales, possède, à l'instar des organes du corps humain, sa propre fonction et doit disposer de l'autonomie nécessaire pour l'accomplir. Dans ce cadre-là, la fonction du souverain est de maintenir l'harmonie entre les différents "membres" du corps social et de garantir le statut qui est propre à chacun d'entre eux. Les souverains espagnols parviennent-ils à maintenir leur neutralité, dans l'arbitrage des conflits qui mettent face à face l'Inquisition et l'administration royale dans le Royaume au cours du XVIIe siècle ?
Durant le XVIe siècle et la première décennie du XVIIe siècle, les souverains favorisent l'intégration des tribunaux inquisitoriaux en mettant en avant les "bienfaits" du Saint Office dans le domaine religieux, afin de les protéger de l'animosité que lui témoignent les autres juridictions. Dans une lettre que Philippe III adresse au vice-roi de Majorque, il écrit :

"Vous savez combien le Saint Office de l'Inquisition contribue au service de Dieu notre Seigneur et à l'exaltation de notre Sainte Foi Catholique, vous savez aussi combien il a été bénéfique pour l'Eglise universelle, pour mes royaumes et seigneuries et pour leurs habitants, après que les Rois Catholiques, mes glorieux ancêtres, l'y ont implanté. Grâce à lui, ils ont été débarrassés d'un grand nombre d'hérétiques, qui s'y étaient installés, car le châtiment qui leur a été infligé au cours des grands et insignes autodafés qui ont été célébrés a rempli de crainte les hérétiques et a procuré aux catholiques un grand plaisir, beaucoup de tranquillité et bien du réconfort. Comme vous le voyez, d'autres royaumes n'ayant pas eu cette chance, ont souffert et souffrent encore de troubles, de perturbations et d'agitations...".[32]


13. Au cours des trois premières décennies du XVIIe siècle, les souverains tentent encore de concilier les parties[33]. Toutefois, à partir du milieu du XVIIe siècle, la Couronne prend ouvertement partie en faveur du vice-roi, soutenant explicitement certaines de ses actions. En raison d'une longue expérience de contentieux, la Couronne semble progressivement durcir ses positions à l'égard de l'Inquisition. En 1656, le souverain approuve l'action des officiers royaux, qui sont parvenus à ébranler la résistance que leur opposaient les hommes de l'inquisiteur en les empêchant d'inspecter un navire corsaire, de retour d'expédition[34]. En 1658, lors d'un nouvel affrontement, le souverain félicite le vice-roi pour l'action menée à l'encontre des ‘ministres' du Saint Office et le prie de veiller à la défense de ses prérogatives face à l'Inquisition[35]. Et, en 1691, lorsque l'Inquisition tente à nouveau d'intervenir dans la nomination des guetteurs, le souverain, sollicité par le vice-roi, rappelle énergiquement que la Couronne, en accord avec l'Universitat, a octroyé au vice-roi la responsabilité de nommer les guetteurs et qu'il n'est pas question de revenir sur cette norme, établie de longue date[36].
Si l'on s'en tient à la correspondance échangée entre la Couronne et ses représentants à Majorque, il semble que cette première ait admis, du moins au cours de la deuxième moitié du siècle, que l'Inquisition, plutôt que de se concentrer sur la préservation de la pureté de la foi, lutte contre le pouvoir royal pour l'élargissement de son champ juridictionnel. Pourtant, selon certains spécialistes, la tendance générale irait plutôt dans le sens l'opposé. Durant la période au cours de laquelle le jésuite E. Nithard fut inquisiteur général, la volonté royale se serait servilement soumis aux décisions de ce premier[37]. Il faudrait explorer méthodiquement la correspondance du Conseil de la Suprême l'Inquisition, au cours de cette période, pour s'assurer que Majorque constitue réellement une exception. En tout cas, quelle que soit la période, on constate, en étudiant de près la documentation majorquine, que les souverains ne disposent pas d'une solide base de manœuvre pour faire en sorte que la situation change. Ils se voient dans l'obligation de passer par l'intermédiaire du Conseil de la Suprême Inquisition pour agir, ce qui atténue l'efficacité des décisions prises, puisque la Suprême tente souvent de protéger les tribunaux locaux. Le souverain n'est pas réduit à une totale impuissance, mais ses capacités étant limitées dans bien des domaines, il ne peut prétendre qu'à l'apaisement momentané des conflits, pas à leur extinction définitive. Lorsqu'il a épuisé tous les recours sans parvenir à restaurer la "paix" (terme employé dans la documentation), il se contente de rappeler les règles en matière de compétences. La répression définitive des comportements "abusifs" demeure ainsi une utopie.

14. L'ensemble des actions réalisées par l'Inquisition à l'encontre des représentants du pouvoir royal au sein du royaume de Majorque ne doivent pas être tenues pour l'expression d'une quelconque animosité à l'égard de la Couronne, car il est clair que la dynamique des rapports de force est horizontale et s'exerce de manière interactive entre corps institutionnels. Par contre, la situation ici étudiée doit permettre de nuancer les théories interprétatives faisant de l'Inquisition un instrument de contrôle au service de la Couronne. Il semble, en effet, qu'à l'échelle locale, l'indépendance originelle, dont cette institution jouissait au niveau juridictionnel, a eu des implications d'ordre social qui ont fortement déterminé ses positions et l'ont souvent conduite à s'opposer aux représentants du pouvoir royal. Ayant sous sa juridiction non seulement les officiers de l'Inquisition, leurs familles et leurs biens, mais aussi les familiers, leurs proches et leurs biens[38], l'Inquisition constituait un puissant pôle d'attraction social[39] et participait, en quelque sorte, à la constitution d'un véritable réseau clientélaire, dont la puissance pouvait être mise au service d'ambitions de type corporatiste. Par conséquent, la lutte menée par cette institution pour le renforcement de son pouvoir face aux autres juridictions s'inscrit dans un contexte social de lutte pour la défense et l'extension des privilèges personnels et collectifs, dans laquelle sont engagés de nombreux acteurs sociaux. Les ambitions qui étayent l'ensemble de ces comportements constituent un puissant moteur de l'action sociale, dans cette société frontalière d'Ancien Régime.

La documentation dépouillée ne propose pas une image ordonnée à partir de laquelle on saisirait, sans médiation, le rôle que joue chacune des institutions de pouvoir et chacun des acteurs sociaux. L'enchevêtrement des compétences juridictionnelles, relatives au contrôle de la circulation des marchandises, entre le pouvoir royal et le pouvoir inquisitorial est à l'origine de continuels conflits, d'autant plus difficiles à mettre en lumière que, simultanément, d'autres différends endémiques mettent en concurrence le vice-roi et le procureur royal au sein de l'administration royale. Les actions de ces divers acteurs juridictionnels ne sont coordonnées, localement, par aucune instance hiérarchiquement supérieure pouvant établir une répartition des tâches en matière de surveillance frontalière, ou délimitant les capacités des uns et des autres. Ces hostilités institutionnelles pourraient être vues comme des manifestations de l'inefficacité du pouvoir monarchique dans les territoires périphériques. Toutefois, si l'on se réfère aux travaux réalisés en histoire sociale au cours de ces dernières années par les spécialistes du monde ibérique, on constate que l'endémie des conflits n'est ni une particularité frontalière, ni un dysfonctionnement social[40]. Le conflit de compétence serait, au contraire, une des modalités de l'exercice du pouvoir à l'époque moderne. A cet égard, les territoires frontaliers ne sont donc pas des lieux d'exception.

[1] DANIEL NORDMAN, "Des limites d'État aux frontières nationales", Les lieux de mémoire, La Nation, éd. Pierre Nora, Paris, Gallimard, 1984, t. II, pp. 105-110.
[2] BEATRIZ ALONSO ACERO, Orán-Mazalquivir, 1589-1639: una sociedad española en la frontera de Berbería, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2000 et RAFAEL GUTIÉRREZ CRUZ, Los presidios españoles del Norte de África en tiempo de los Reyes Católicos, Melilla, Ayuntamiento de Melilla, 1997.
[3] L'Espagne demeure en guerre avec l'Empire ottoman et ses vassaux maghrébins jusqu'aux dernières décennies du XVIIIe siècle. Elle signe la paix avec Istanbul en 1783 et avec Alger en 1786.
[4] Au sujet du rôle attribué à l'Islam, dans le discours historique "occidental", voir également HICHEM DJAÏT, L'Europe et l'Islam, Paris, Le Seuil, 1978.
[5] NATIVIDAD PLANAS, "La frontière franchissable : normes et pratiques dans les échanges entre le royaume de Majorque et les terres d'Islam au XVIIe siècle", Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, n° 48-2/3, avril-septembre 2001, pp.123-147.
[6] La communauté que forment Ciutat de Mallorca (aujourd'hui Palma de Majorque) et les 32 viles ou bourgs situés à l'intérieur et sur les zones côtières de l'île constitue une entité ayant une personnalité politico-juridique : l'Universitat de la Ciutat i Regne de Mallorca, que l'on nomme également Universitat general. L'ensemble du territoire insulaire est administré par six jurats et par un conseil, le Gran i General Consell (ROMAN PIÑA HOMS, El Gran i General Consell. Asamblea del Reino de Mallorca, Palma de Mallorca, Gráficas Miramar, 1977. On retrouve la même structure politico-juridique dans les autres îles. Par exemple, à Minorque, il y a quatre Universitats particulars (Ciudadela, Mahon, Alayor, Mercadal) et une Universitat générale, au sein de laquelle Ciudadela a un rôle prépondérant (GUILLERMO PONS, Historia de Menorca, Mahon, Editorial Menorca, 1983, p. 59).
[7] La Couronne tente de mettre en application sa politique d'embargos à l'égard des nations ennemies dans l'ensemble de ses territoires, en exerçant sa surveillance dans les ports, sur les frontières terrestres et dans les principaux centres de distribution. MANUEL HERRERO SÁNCHEZ, "La política de embargos y el contrabando de productos de lujo en Madrid (1635-1673). Sociedad cortesana y dependencia de los mercados internacionales", Hispania, t. LIX/1, 1999, pp. 171-191.
[8] Pour le royaume de Galice, Jaime Contreras étudie les mesures prises par le Conseil de l'Inquisition pour la mise en place du contrôle des navires, à partir du dernier tiers du XVIe siècle. Dans cette aire de la péninsule, l'Inquisition craint tout particulièrement la pénétration des idées protestantes. JAIME CONTRERAS, El Santo Oficio de la Inquisición de Galicia (poder, sociedad y cultura), Madrid, Akal / Universitaria, 1982, p. 152.
[9] JOAQUIN PÉREZ VILLANUEVA et BARTOLOME BONET ESCANDELL, Historia de la Inquisición en España y América, Madrid, Biblioteca de los autores cristianos, Centro de estudios inquisitoriales, Madrid, 1984, t. II, pp. 1050-1061.
[10] Comme le montrent JEAN-PIERRE DEDIEU et RENE MILLAR CARVACHO dans un récent article de synthèse faisant le bilan de la production historiographique concernant l'Inquisition, dans certains domaines, les sources inquisitoriales ne sont pas exploités comme elles le mériteraient. JEAN-PIERRE DEDIEU et RENE MILLAR CARVACHO, "Entre histoire et mémoire. L'Inquisition à l'époque moderne : dix ans d'historiographie", Annales. Histoire, Sciences Sociales, mars-avril 2002, p. 349-372.
[11] Les archives du Conseil d'Aragon (organe de la Monarchie gérant les affaires des anciens territoires de la Couronne d'Aragon) sont conservées, en partie, à Barcelone à l'Archivo de la Corona de Aragón et, en partie, à Madrid à l'Archivo Histórico Nacional. La correspondance échangée par le souverain et les diverses autorités de l'archipel baléare fait partie de la documentation constituant ces fonds.
[12] FRANCISCO BETHENCOURT, L'Inquisition à l'époque moderne. Espagne, Italie, Portugal (XVe-XIXe siècle), Paris, Fayard, 1975, p. 215-240.
[13] JEAN-FREDERIC SCHAUB, La vice-royauté espagnole au Portugal au temps du comte-duc d'Olivares (1621-1640). Le conflit de juridiction comme exercice de la politique, thèse de doctorat, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1995, p. 478.
[14] "Que puga anar en Berberia é aportar mercaderies no prohibides, tant en tems de pau com en tems de guerra" ou "Quod mercatores Majoricarum, etiam tempore guerrae, possint libere navigare ad partes Berberiae et Hispanae", Archivo del Reino de Mallorca (désormais ARM), section "codis", Sant Pere 27. cartes, 2 a col. ; Ordinacions del Regne cartes 168 ; Codi Rosselló, cartes 127., 1a pag., Rosselló Vell 215, Rosselló Nou 166 (Zaragoza, 24 décembre 1343).
[15] Archivo Histórico Nacional (désormais AHN), Consejos, libro 2522, folio 59-70v. "Las cosas que vos el Maestre de Campo don Geronimo Agustín haveys de estar advertido en el cargo de nuestro lugarteniente y Capitan General del Reyno de Mallorca por el qual os havemos nombrado, son las siguientes (1621)... n° 25 Y aunque en los privilegios que os mandamos despachar se os dan facultades tan anchas y bastantes como vereis lo qual se ha hecho por la auctoridad de vuestra persona y cargo, pero nuestra voluntad es y os mandamos que de ninguna manera [...] proveais licencia para yr a Argel ni otras tierras de mis enemigos".
[16] AHN, Inquisition, leg. 1714, exp. 7 (1671).
[17] Alinea 7 de la bulle In coena domini. cf. R. NAZ, Dictionnaire de droit canonique, Paris, Librairie Letouzey et Ané, 1937, t. II, pp. 1132-1136. Au sujet des aléas de l'application de cette bulle en Espagne, cf. ALBERTO DE LA HERA, "La bula In coena Domini", in ENRIQUE RUIZ MARTÍNEZ et MAGDALENA DE PAZZIS PI CORRALES, Instituciones de la España moderna, vol. II Dogmatismo e intolerancia, Madrid, Actas, 1997, pp. 71-88.
[18] Procès d'Inquisition contre Antoni Già : "pues la dicha bulla la mandan publicar los Señores obispos y no los Señores inquisidores [...] mi parte no pensaria jamas por el cargo presente haberse reo deste Santo Officio", AHN, Inquisition, leg. 1714, exp. 7, folio 24 (1669-1671).
[19] AHN, Inquisition, libro 852, folio 277 (8 novembre 1644).
[20] L'Inquisition se fonde sur la bulle Si de protegendis du pape Pie V.
[21] Lettre du roi au comte de Plasencia, vice-roi de Majorque : "Que esteys muy atento en la defensa de mis regalias sin dar lugar a que se perjudiquen por los ministros de la Inquisicion aplicando todos los medios que permitieren los Privilegios, y leyes desse Reyno, y se acostumbran en sus casos y semejantes, que asi es mi voluntad", AHN, Consejos, libro 2529, folio 260, 6 février 1659.
[22] Procès de foi contre Clas Drew Clar (sic) ou Clas Enrique Cras (sic), de Hambourg, demeurant en Hollande, capitaine du Cangrejo, AHN, Inquisition, leg. 1707, exp. 3 (1644) et procès de foi contre Juan Nachthout, capitaine du navire Jupiter, AHN, Inquisition, leg. 1712, exp. 17 (1644).
[23] AHN, Inquisition, libro 866, folio 322-339 (1645).
[24] AHN, Consejos, libro 2524, folio 21-22v (22 juin 1630).
[25] AHN, Consejos, libro 2534, folio 243v.-244 (mai 1691).
[26] AHN, Inquisition, libro 845, folio 56 (13 février 1578).
[27] AHN, Consejos, libro 2523, folio165v-168 (13 juin 1627).
[28] ANTONIO DOMÍNGUEZ ORTIZ et BERNARD VINCENT, Historia de los moriscos. Vida y tragedia de una minoría, Madrid, Alianza Editorial, 1997 (1e éd. 1985).
[29] JAIME CONTRERAS, El Santo Oficio de la Inquisición de Galicia, op. cit., p. 152.
[30] ARM, Audiencia, leg. XXX, n° 2155 (1655)
[31] Privilège octroyé par Pierre III, à Saragosse (4 septembre 1364). Recopilación del drecho de Mallorca, titre VI, chapitre 9.
[32] Biblioteca Bartolomé March (Palma de Majorque), Ms, fol. 3 (5), (18 août 1603).
[33] AHN, Consejos, libro 2524, folio 21-22v (22 juin 1630).
[34] Lettre du roi au comte de Plasencia, vice-roi de Majorque : "porque en ello procedisteis como deviais ha parecido aprobado y encargaros esteis advertido en no permitir a los ministros de la Inquisicion ningun genero de novedad que intentaren, perjuicio de mi Real jurisdiccion, en qué seré servido", AHN, Consejos, libro 2529, folio 97v.-98 (5 juillet 1656).
[35] Lettre du roi au comte de Plasencia, vice-roi de Majorque cit. (voir n.21).
[36] Convention entre l'Universitat et le roi (carta acordada) du 31 janvier 1609. AHN, Consejos, libro 2534, folio 243v.-244 (mai 1691).
[37] JOAQUIN PÉREZ VILLANUEVA et BARTOLOME BONET ESCANDELL, Historia de la Inquisición, op. cit., p. 1085.
[38] La juridiction des Inquisitions des territoires de la Couronne d'Aragon semble avoir été plus étendue que celle des territoires de la Couronne de Castille. Une cédula real de 1553 précise qu'en Castille, seuls les officiers peuvent jouir de la juridiction inquisitoriale et qu'il n'y a pas lieu d'étendre cette juridiction aux familiers, comme dans la Couronne d'Aragon. Tratado de las dos cedulas reales, que se despacharon en diez dias del mes de marzo de 1553 años, Toledo, s. impr., 1553 (Biblioteca de Catalunya, Collection Bonsoms, F. Bon. 4325).
[39] Le nombre de familiers semble avoir été très élevé dans les îles de l'archipel baléare. Archivo del Consejo de Aragón (Barcelone), Conseil d'Aragon, leg. 972, Los apuntamientos de lo que ha pasado con el tribunal del Santo Oficio de muchos años a esta parte (1661), y el numero de caballeros familiares que hay en la ciudad de 1661 à 1671.
[40] JEAN-FREDERIC SCHAUB, Le Portugal au temps du comte-duc d'Olivares (1621-1640), Madrid, Casa de Velázquez, 2001.