1. Le titre de mon exposé se fonde sur une notion
aujourd’hui ambiguë, celle de “gens de couleur”,
qui ne l’était pas au XVIIIe siècle,
même si elle se caractérisait, déjà à
cette époque, par de nombreuses nuances et quelques glissements
de sens. Dans une note de son Mémoire en faveur des gens de
couleur ou sang-mêlés de St.-Domingue de 1789,[1]
l’abbé Grégoire précise: “Les dénominations
gens de couleur, sang-mêlés, sont insignifiantes,
puisqu’elles peuvent également s’appliquer aux Blancs
libres, aux Nègres esclaves, etc.; mais dans nos Isles, l’usage
a restreint l’acception de ces mots à la classe intermédiaire,
dont les individus Blancs et Noirs sont les souches”.[2]
Les gens de couleur, ou sang-mêlés ou mulàtres (par
extension du terme qui indique de façon plus spécifique
uniquement les premiers rejetons du croisement) étaient le produit
de l’union entre un blanc et une noire (le cas inverse étant
presque inexistant) et de tous les croisements successifs. Les résultats
de ces croisements étaient enregistrés et dénommés
de façon maniaque dans les colonies françaises, et plus
particulièrement dans les Antilles,[3]
pour empêcher que la tache noire originelle ne fût oubliée,
surtout lorsque à la suite de ces unions mixtes les enfants naissaient
entièrement blancs. Il suffit, pour se rendre compte de cette
sorte de hantise de la couleur, de parcourir les tableaux insérés
par Moreau de Saint-Méry – colon martiniquais, devenu plus
tard, sous Napoléon, gouverneur du duché de Parme –
dans sa Description topographique, physique, civile, politique et
historique de la partie française de l’île de Saint-Domingue,
écrite à la veille de la Révolution mais publiée
seulement en 1797, à Philadelphie, où l’auteur s’était
réfugié à la suite des événements
révolutionnaires. La précision presque maniaque faisait
partie du caractère de Moreau, mais ici elle ne fait que refléter
le calcul méticuleux de la moindre goutte de sang noir, dénonçant
l’origine impure et sans rachat qui caractérisait la mentalité
des Antilles. Ainsi Moreau, qui n’a pas une attitude spécialement
raciste face aux sang-mêlés, établit différents
tableaux où l’on peut trouver les combinaisons du blanc,
du nègre, du mulàtre, du quarteron, du métis, du
mamelouc, du quarteronné, du sang-mêlé, du sacatra,
du griffe, du marabou etc., suivi d’autres tableaux où
est évalué le pourcentage de sang blanc ou noir qu’on
relève aux différentes étapes du croisement. Ce
souci classificatoire occupe presque entièrement le chapitre
de son ouvrage consacré aux affranchis, autre terme employé
comme synonyme de gens de couleur, même s’il y avait aussi
des noirs libres.[4]
2. Cette variante aux mille nuances de l’espèce
humaine, qui n’existait presque pas avant la colonisation américaine
et qui reste pendant longtemps un fait marginal, ne commence à
devenir un problème dans les colonies françaises et, par
rebondissement, dans la mêre patrie que dans la seconde moitié
du XVIIIe siècle, c’est-à-dire au moment
où les gens de couleur, dont le nombre et les richesses croissent
rapidement,[5] sont désormais
devenus une force qui menace le pouvoir des blancs ou du moins que les
blancs perçoivent comme une menace.
Au début de la colonisation des Antilles, en effet, ainsi que
l’atteste l’article IX du Code noir de 1685, on reconnaît
la validité du mariage entre le maître et son esclave noire
et cet acte, accompli “dans les formes observées par l’Eglise”,
comporte l’affranchissement de la mère et des enfants.
Au début, le préjugé de la couleur n’est
donc pas assez fort, du moins chez le législateur, pour empêcher
le mariage entre blancs et noires, même si dans la réalité
coloniale cette union n’était pas très répandue
et, dès le début, très peu appréciée.
Les mariages entre blancs et mulàtres étaient, au contraire,
très courants. Tout comme l'affranchissement, de la part des
maîtres, des enfants qui naissaient de leurs rapports avec une
esclave, même en absence de mariage, malgré la prohibition
très rigoureuse du même article du Code noir qui
proclame dans sa première partie:
Les hommes libres qui auront eu un ou plusieurs enfants de leurs concubinages avec leurs esclaves, ensemble les maîtres qui les auront soufferts, seront chacun condamné à une amende de deux mille livres de sucre. Et s'ils sont les maîtres de l'esclave de laquelle ils auront eu les dits enfants, voulons qu'outre l'amende, ils soient privés de l'esclave et des enfants, et qu'elle et eux soient confisqués au profit de l'hôpital, sans jamais pouvoir être affranchis[6].
Le rapprochement entre les deux parties de l'article indique de façon très nette que le refus d'affranchissement, à l'origine des colonies, n'est pas le résultat d'un préjugé de couleur (puisque les mariages mixtes sont admis et que les enfants sont déclarés libres), mais plutôt un problème d'ordre moral et d'administration coloniale correcte, à partir des habitations, dont le maître est personnellement responsable et doit, de ce fait, répondre de tous les abus et, en particulier, des abus d'ordre sexuel dont les esclaves noires sont victimes[7].
3. La confirmation de cette hypothèse nous vient de la lecture des articles LV-LIX. De ce dernier, en particulier, qui proclame la parfaite égalité entre hommes nés libres et affranchis, donc entre blancs et noirs ou sang-mêlés qui ont obtenu la liberté:
Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres; voulons que le mérite d'une liberté acquise, produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens les mêmes effets que le bonheur et la liberté naturelle cause à nos autres sujets.
Il faut tout de suite souligner que dans le vécu
des colonies cette égalité n'a, de fait, jamais existé.
Toutefois, tant que le phénomène des affranchissements
demeura marginal et que la disproportion entre blancs et gens colorés,
c'est-à-dire mulâtres libres et esclaves noirs, resta limitée,
les affranchis purent jouir d'une certaine liberté, ou mieux,
d'une certaine indifférence qui les soustrayait à des
règlements et à des contrôles trop rigoureux.
Au cours du XVIIIe siècle, ainsi que le démontrent
les différentes étapes de la législation coloniale,
analysées de façon très précise et très
éclairante par Yvan Debbasch dans Couleur et liberté.
Le jeu du critère ethnique dans un ordre juridique esclavagiste
[8], la situation des
gens de couleur se fait de plus en plus difficile face à la loi,
en particulier face aux ordonnances et aux arrêtés locaux,
qui codifient un état de fait existant dans les colonies, où
les rapports entre blancs et gens de couleur libres sont assujettis
à un nombre toujours croissant d'impositions et d'interdits.
Les motivations en sont nombreuses, mais le préjugé de
couleur joue un rôle très important. Debbasch écrit
en ouverture du deuxième chapitre, de son ouvrage qui s'intitule
Du principe égalitaire à l'ordre ségrégationniste (1685-1789):
Jamais abrogés, les articles du Code noir relatifs aux affranchissements n'ont pas fait pourtant barrage à un ordre ségrégationniste; tout au long du XVIIIe siècle, les dispositions légales et réglementaires vont s'amasser qui définissent à la longue, et avec une rigueur sans cesse accrue, un régime de caste fondé sur la distinction des couleurs[9].
4. À son avis, "l'idéologie ségrégationniste n'a trouvé son expression définitive qu'après 1760", c'est-à-dire à une époque où l'influence de l'opinion des colons pèse de plus en plus lourd même sur la législation de la mère patrie. Le mulâtre Julien Raymond, dans ses Observations sur l'origine et le progrès du préjugé des colons blancs contre les hommes de couleur, de 1791, est du même avis. Il dénombre trois âges dans la vie de la colonie de Saint-Domingue, dont la datation est à vrai dire très incertaine, mais la situation, mutatis mutandis, était à peu près la même dans toutes les Antilles françaises. Il nous dit que dans les deux premiers âges il n'existait aucune réserve contre les gens de couleur libres et il fixe la date de naissance d'un véritable préjugé autour des années quarante, lorsque les richesses des colonies à sucre commencent à être convoitées et que de la mère patrie il se déverse dans les îles un grand nombre de personnes des deux sexes. Mais c'est surtout à partir de la conclusion de la guerre de Sept Ans que - à son avis - la situation précipite. Plus loin dans son texte il précise
que le préjugé [...] a une origine très récente, puisqu'elle ne date pas de plus de trente années", et qu'il est dû "entièrement à la jalousie des femmes blanches et aux ordonnances impolitiques et tyranniques, par lesquelles on a, depuis 1768, cherché à avilir les hommes de couleur[10].
En 1763, on crée dans les colonies, à côté du Conseil Supérieur, une Chambre d'agriculture, devenue plus tard Assemblée coloniale, ce qui augmente le pouvoir des colons blancs dont la présence se fait sentir toujours davantage, de façon directe ou indirecte, même dans la métropole, où s'élaborent toutes les stratégies concernant la gestion des colonies. On essaie de faire passer ces positions de plus en plus ségrégationnistes comme un choix de saine politique dans un pays où les blancs sont toujours moins nombreux par rapport aux noirs et aux sang-mêlés, libres ou non, et donc un pays où, au dire des colons, seule une barrière infranchissable entre ces deux mondes peut constituer un rempart sûr contre toute prétention de la masse esclave à la liberté. Mais il est indéniable que la justification d'ordre politique se double d'un préjugé ethnique qui grossit à mesure qu'à la suite de différents héritages et de croisements successifs il n'y a plus aucune différence, économique et physique, entre beaucoup de mulâtres et les colons blancs.
5. Souvent les mulâtres sont même plus cultivés,
ayant été envoyés en France parfaire leur formation
culturelle. Et pourtant, le seul soupçon d'appartenir à
cette classe est ressenti comme une injure, ainsi qu'en témoignent
les différentes histoires où il est question des sang-mêlés.
Je me limite à citer ici le cas emblématique du sieur
Chapuizet, qui intente, en l'année 1771, un procès contre
un quidam qui l'avait traité publiquement de sang-mêlé.
Dans un mémoire en sa faveur on peut lire: "à Saint-Domingue,
et dans les autres colonies, qualifier quelqu'un de sang-mêlé
est une injure égale à celle qu'on ferait en France, en
reprochant à quelqu'un que son père ou son ayeul a péri
sur l'échafaud"[11].
L'appellatif était donc on ne peut plus offensif, puisqu'on n'hésitait
pas à intenter un procès pour recouvrer son honneur.
Les décrets ségrégationnistes se succèdent
avec une fréquence accélérée entre les années
Septante et l'époque révolutionnaire. En 1773, on fait
à Saint-Domingue un règlement qui introduit une onomastique
de couleur, imposant aux mères noires ou mulâtres de donner
à leurs enfants "un surnom tiré de l'idiome africain,
ou de leur métier et couleur, mais qui ne pourra être jamais
celui d'aucune famille blanche de la colonie"[12].
Pour les mulâtres on ne pouvait pas utiliser l'appellatif "sieur"
et "dame", même si Debien nous dit qu'il y avait des exceptions[13],
mais ils étaient qualifiés comme "le nommé" ou
"la nommée". À la même époque, on commence
à invalider les mariages interraciaux[14],
admis, comme on l'a vu, par un article jamais abrogé du Code
Noir, on commence à défendre aux affranchis de s'habiller
comme les blancs, de s'asseoir à l'église ou au théâtre
avec les blancs, d'accéder à certaines charges, réservées
aux blancs etc. Les motifs de doléance, comme nous le verrons
en lisant les nombreux mémoires adressés quelques années
plus tard à l'Assemblée Nationale par des mulâtres
résidents à Paris ou par des membres de la "Société
des Amis des Noirs", sont très nombreux et font état d'une
situation absurde et désormais explosive à force d'être
devenue concentrationnaire: les gens de couleur soi-disant libres trouvent
désormais leur horizon barré de tout côté.
6. C'est une condition inacceptable pour eux, surtout
si l'on tient compte du fait qu'ils sont mieux enracinés dans
le territoire que les grands colons blancs, vivant le plus souvent à
Paris et pour qui la colonie n'est qu'une mine d'où tirer de
quoi vivre luxueusement dans la capitale. Pour les sang-mêlés,
au contraire, la colonie est leur pays: ils voudraient y être
respectés et compter quand il faut prendre des décisions
qui concernent l'avenir de toute la communauté qui n'est pour
eux - il faut le préciser - comme pour les colons blancs, que
la communauté des gens libres, car, pour ce qui est de la vie
des esclaves, leur position ne diffère pas, à de rares
exceptions près, de celle des maîtres blancs. Dans la grande
majorité, ils sont comme eux esclavagistes, partisans de la séparation
entre mulâtres et noirs et très soucieux de souligner et
de faire respecter le pourcentage de sang blanc qui coule dans leurs
veines et d'effacer, si possible, jusqu'au souvenir de leur origine
"impure". Le mot est un peu fort, mais il était employé
à l'époque, avec des synonymes tout aussi méprisants:
tache, souillure, honte...
Une attitude qui en dit long sur la complication des rapports aux Antilles
françaises au XVIIIe siècle, sur la complexité
des situations et sur le malaise des gens de couleur qui avaient fini
par intérioriser un sentiment d'infériorité se
traduisant, d'un côté, par la hantise de la lactification
et, de l'autre, par la honte de leur origine. Une double honte: celle
qui était liée à leur descendance d'une esclave
noire et celle de la bâtardise. Une réalité polymorphe
qui ne trouvait que des canaux obligés et très limités
pour s'exprimer, et par conséquent une réalité
explosive, d'autant plus que les noirs eux-mêmes avaient fini
par adopter, face aux sang-mêlés, l'attitude méprisante
des blancs.
7. Le problème des gens de couleur en tant qu'hommes libres et généralement possesseurs d'esclaves, comme les colons blancs, reste longtemps étranger ou marginal dans le débat métropolitain concernant l'esclavage et les colonies. On peut noter, à titre d'exemple, la différence qu'il y a entre l'article "Mulâtre" de l'Encyclopédie, de 1765, dû à la plume du chevalier de Jaucourt et celui du "Supplément", écrit par Bellecombe et publié douze ans plus tard, en 1777. Dans le premier le mulâtre en tant que personne est tout à fait absent. L'article commence par une définition, somme toute assez neutre, si l'on excepte l'allusion au libertinage des blancs: "Dans les îles françoises, mulâtre veut dire un enfant né d'une mère noire et d'un père blanc; ou d'un père noir et d'une mère blanche. Ce dernier cas est très rare, le premier très commun par le libertinage des blancs avec les négresses". Suit une référence au Code noir à propos des affranchissements et l'article se conclut par une réflexion sur les limites d'une loi qui, s'opposant aux affranchissements pour contraster le libertinage, ouvre "la porte à toutes sortes de crimes, et en particulier à celui des fréquens avortemens". L'article ne s'arrête que sur l'origine des mulâtres et sur leur collocation incertaine entre maîtres et esclaves: leur personne et leur rôle dans la vie de la colonie n'intéressent pas. Celui du "Supplément" est, par contre, plus complexe, beaucoup moins anodin et essaie de brosser un portrait du mulâtre et de mettre en évidence son rôle spécifique non seulement à l'intérieur de la colonie mais aussi par rapport à la mère patrie. Les résultats, hélas, font regretter la brièveté presque indifférente du Chevalier de Jaucourt. Il s'agit, en effet, d'un texte étrange qui met d'abord l'accent sur un problème d'ordre moral, en soulignant la faute qui est à l'origine de la naissance des mulâtres, pour valoriser tout de suite après les avantages que ces derniers apportent aux colonies et à la métropole: "Il eût sans doute été à souhaiter pour les bonnes mœurs et pour la population des blancs dans les colonies, que les Européens n'eussent jamais senti que de l'indifférence pour les Négresses [...]. On ne peut cependant s'empêcher de convenir que de ce désordre il ne soit résulté quelques avantages réels pour nos colonies". Avantages que l'auteur, Bellecombe, trouve dans les affranchissements permettant la formation d'une classe d'hommes libres, qui "sont - à son avis - le plus sûr appui des blancs contre la rébellion des esclaves"; ils permettent en outre la formation d'une "bonne milice à employer dans la défense des côtes".
8. Enfin, autre mérite important à ses yeux, ils consomment beaucoup de marchandises venant de la France et sont donc "une des principales ressources du commerce des colonies". Article étrange, disais-je, et quelque peu embarrassant puisqu'il émane d'un organe des philosophes, qui nous avait d'ailleurs déjà surpris avec ses articles consacrés à l'Afrique, où ce pays n'était présenté que comme un entrepôt de marchandises, y compris les marchandises humaines. Il entérine les préjugés coloniaux sur l'origine des mulâtres et ne valorise ces derniers que comme rempart contre les revendications des noirs et réceptacle de la marchandise qu'on déverse dans les colonies de la mère patrie. Il faut ajouter, pour compléter cette fresque peu favorable aux mulâtres, l'allusion guère flatteuse à leurs mères: "les jeunes Négresses sont presque toutes bien faciles". Mais on ne dit pas qu'elles appartiennent aux maîtres qui peuvent disposer, à tout moment et à leur plaisir, de leur vie. Préjugé qui s'ajoute à un autre préjugé et qui se retrouve même là où l'on s'y attendrait le moins, chez ce porte parole des philosophes justement, d'hommes qui ont véritablement lutté pour l'abolition de l'esclavage et pour l'égalité entre tous les hommes. Mais l'égalité est un concept difficile à intérioriser, même de la part des philosophes. Lorsqu'ils doivent traduire dans la pratique cette reconnaissance de principe, des réserves s'échappent de leur plume: "à la couleur près", "malgré leur couleur", etc. Les mixophiles inconditionnels, pour employer un terme utilisé par Pierre-André Targuieff dans La force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles[15], n'étaient pas nombreux au XVIIIe siècle.
9. Avec le "Supplément" de l'Encyclopédie on est arrivé au seuil des années Quatre-Vingt, celles où la position des sang-mêlés se fait plus solide sur le plan économique et de plus en plus incertaine sur le plan du droit et du rôle qu'il recouvrent dans la vie socio-politique de la colonie. La lecture des nombreux mémoires, lettres, requêtes, pétitions adressés à l'Assemblée Nationale entre 1789 et 1791 en faveur de la reconnaissance du titre de citoyens actifs pour les gens de couleur libres, permet de dresser une liste très longue de défenses et d'impositions qui témoignent comment il était presque impossible pour eux d'asseoir leur vie sur des bases solides. Il faut évidemment tenir compte du fait qu'il s'agit de textes de revendication et de polémique, dont les dénonciations sont toutefois confirmées par le fatras de lois et de décrets qui emprisonnent la vie des colonies françaises et par la position des députés des colons blancs siégeant à l'Assemblée Nationale. Le premier texte important sur le sujet est le Mémoire de l'abbé Grégoire, déjà cité, qui a été présenté à l'Assemblée en 1789. On sait que Grégoire s'est battu non seulement pour la reconnaissance des droits des mulâtres, mais aussi pour l'abolition de l'esclavage, en faveur des juifs et de l'égalité des races[16]. L'abbé ouvre son Mémoire par une citation tirée des Considérations sur l'état présent de la colonie françoise de St.-Domingue (1777) de Hilliard d'Auberteuil, qui n'était pas un écrivain anti-esclavagiste[17]: "En aucun pays il n'y a tant d'abus qu'à St.-Domingue"[18]. Pour l'abbé Grégoire il n'y a pas de doute que ces abus trouvent leur fondement dans la couleur de la peau: "les Blancs ayant la force, ont prononcé, contre la justice, qu'une peau rembrunie excluoit des avantages de la société. Enorgueillis de leur teint, ils ont élevé un mur séparatif entr'eux et une classe d'hommes libres, qu'improprement on nomme gens de couleur ou sang-mêlés. Ils ont voué à l'avilissement plusieurs milliers d'estimables individus, comme si tous n'étoient pas enfants du pere commun"[19]. En homme d'église, il commence par revendiquer une égalité qui nous vient de Dieu, mais ce qui suit, tout en n'oubliant pas les raisons d'ordre religieux et humanitaire, est bien fondé sur des données concrètes. Afin de poser de façon correcte le problème de la représentation des gens de couleur à l'Assemblée Nationale, à savoir s'ils peuvent être représentés par les députés des colons blancs ou s'ils doivent avoir leurs députés, Grégoire recense une série d'abus perpétrés contre eux par les colons blancs, pour démontrer que ceux-ci ne sont pas crédibles lorsqu'ils prétendent représenter les intérêts de toute la colonie.
10. Je fais d'abord une brève synthèse des obligations que l'abbé Grégoire nous dit avoir été imposées aux mulâtres par les colons blancs, me limitant à citer, avec quelques coupures, des passages du Mémoire:
Seuls ils font le service de la Maréchaussée [...]. Tous les hommes de couleur étoient soumis, il y a peu, à la conscription militaire; enrôlés à l'âge de seize ans, ils devoient servir tous les trois ans jusqu'à soixante [...]. Tout homme de couleur est astreint au service de piquet, c'est à dire que chaque six ou sept semaines il est obligé d'en passer une entiere à la porte d'un Commandant ou autre Officier, avec un cheval toujours harnaché et prêt à faire toutes les courses ordonnées. [20]
Cette dernière imposition était la plus
lourde et la plus odieuse car, non seulement elle contraignait le mulâtre
à abandonner sa plantation ou tout autre travail pendant une
semaine et plusieurs fois au cours d'une année, mais elle l'obligeait
aussi à des dépenses pour louer et nourrir le cheval qu'il
était tenu à mettre à la disposition d'un fonctionnaire
ou d'un militaire, le plus souvent seulement pour servir ses caprices,
sous le prétexte d'un service au roi.
Mais le chapitre des défenses est beaucoup plus long et plus
humiliant:
11. Les punitions pour les plus petites infractions étaient
exemplaires, les mépris et les humiliations, les injustices et
même les cruautés étaient leur pain quotidien. Les
colons justifiaient cette attitude ségrégationniste, d'un
côté, on l'a déjà dit, avec la nécessité
d'élever une barrière entre la classe des colons blancs
et celle des noirs esclaves, pour empêcher que ne s'écroule
tout l'échafaudage de l'économie de plantation fondé
sur la différence ethnique, mais une grande partie des motivations
étaient décidément racistes et prenaient leur source
dans une image tout à fait péjorative des gens de couleur,
souvent décrits comme la lie de deux races, dont ils exacerbaient
les caractères négatifs. Par contre, Grégoire,
ainsi que tous ceux qui se battent pour la reconnaissance de leurs droits[22],
en brosse un portrait avantageux: "En général ils ont
conservé l'estimable bonhomie des mœurs domestiques. Ils
se distinguent, ainsi que les Nègres, par beaucoup de piété
filiale. Beaucoup de respect pour la vieillesse. [...] Plusieurs ont
une éducation très soignée, et laissent cet héritage
à leurs enfans. [...] On a vu de généreuses mulâtres
acheter des enfans de couleur [...] pour leur faire le don précieux
de la liberté".[23]
Mais le portrait le plus soigné et peut-être aussi le plus
flatteur a été brossé, en 1792, par Antoine-Jean-Thomas
Bonnemain qui en exalte en même temps les avantages physiques,
moraux et intellectuels: "Les hommes, presque tous grands, robustes,
intelligents, laborieux et même plusieurs avec des lumières,
sont, par leur bravoure, leur fermeté, les plus fermes remparts
des colonies. Une fierté mêlée d'orgueil les fait
comporter avec honneur. Chez les femmes on trouve de l'aménité,
de l'activité, et sur-tout de l'humanité. Plusieurs même
sont blanches et ont des graces relevées par une éducation
soignée"[24]. Bonnemain
souligne encore le fait que leur nombre égale désormais
celui des blancs, qu'ils possèdent un tiers des terres et des
esclaves, qu'ils assurent le service de police et qu'ils naissent et
meurent dans les colonies, les enrichissant ainsi de leurs biens, tandis
qu'en général les biens des colons blancs vont enrichir
la mère patrie. Il est partant risible, ainsi que le dit Jean-Pierre
Brissot en condamnant les prétentions avancées par les
députés des colons blancs, de réserver aux seules
Assemblées coloniales le droit de légiférer sur
les personnes, il est "risible de voir exiger une échelle des
droits politiques, graduée sur les nuances de la couleur de la
peau"[25]. Tous ces écrits
témoignent qu'à l'époque révolutionnaire
la ségrégation des gens de couleur est devenue encore
plus dure et plus humiliante: "Ces hommes - nous dit Brissot - ont été
depuis la révolution, parce qu'ils ont réclamé
leurs droits, vexés, humiliés, persécutés,
et enfin désarmés dans une grande partie de l'île
[...]. Depuis trois ans, les hommes de couleur n'ont pu envoyer librement,
ni une seule lettre, ni une seule pétition, ni un seul député
en France"[26].
12. On pourrait évidemment continuer, mais je crois que les exemples cités suffisent pour faire état de la situation des gens de couleur et des débats qui les concernaient à l'époque révolutionnaire, d'autant plus que, souvent, les nombreuses pétitions écrites en leur faveur se recoupent. Il y a toutefois des exceptions représentées, d'un côté, par les écrits subtilement sectaires des colons et de leurs représentants à l'Assemblée[27] et de l'autre par ceux de gens de couleur eux-mêmes qui retracent le long parcours de leur souffrance et demandent à leur pays d'être reconnus comme citoyens à part entière. Le mulâtre Julien Raimond, après avoir décrit la situation insoutenable des gens de couleur dans les colonies et les dégâts qu'une politique ségrégationniste produit au point de vue de l'économie, de l'ordre intérieur et de la sauvegarde contre les ennemis du dehors, termine ses Observations par une question qui est une sorte de soufflet à l'adresse des membres de l'Assemblée Nationale et de tous les hommes de la Révolution. Après avoir cité l'article du Code noir, émané sous Louis XIV, sur les affranchissements, il conclut: "L'assemblée nationale seroit-elle moins juste qu'un despote?"[28]. La reconnaissance des droits de tous les gens de couleur libres, après de longues vicissitudes, deux pas en avant et trois en arrière, devient une loi le 4 avril 1792: "L'Assemblée Nationale reconnaît et déclare que les hommes de couleur et nègres libres doivent jouir, ainsi que les colons blancs, de l'égalité des droits politiques"[29]. En hommage à ce texte, qui les intégrait sans aucune restriction, les hommes de couleur se nommèrent "citoyens du 4 avril". Mais entre temps la situation aux colonies avait précipité. Saint-Domingue, désormais bouleversée par la révolte servile, avait d'autres problèmes à résoudre: on a l'impression que la mère patrie était largement en retard par rapport à la situation réelle de ses colonies. D'autant plus qu'il ne suffisait pas d'une loi pour abolir un préjugé dont la contagion avait gagné tous les niveaux de la société coloniale. L'explosion de racisme qui éclate en France et dans les colonies après la prise de pouvoir de Napoléon - qui, on le sait, rétablit en 1802 l'esclavage aboli par la Convention en 1794 - en est la plus nette confirmation. On pourrait faire recours à beaucoup d'exemples tirés des écrits de l'époque, mais il suffit de citer un bref passage des Égaremens du nigrophilisme, publié en 1802, dû à la plume de Baudry Deslozière (ou des Lozière), ancien militaire, propriétaire à Port-au-Prince et nommé en France historiographe de la Marine: "Hélas! ce sang n'est que trop mélangé dans les Colonies, et cette corruption ne gagne que trop toutes les parties de la France. – Un peu plus, et ce mélange, déjà trop commun ira jusqu'à dénaturer le caractère de la nation, et l'on verra, si je puis m'exprimer ainsi, des Mulâtres en morale comme en physique"[30]. Et, pour conclure, je cite un passage de l'article "Mulâtre" du Grand Larousse universel du XIXe siècle, tiré de l'Histoire naturelle du genre humain du médecin Jean-Jacques Virey[31]: "Les mulâtres et les races mélangées passent pour être, dans les colonies, la lie de l'espèce humaine"[32]. On est entré dans les années sombres qu'Yves Benot étiquette comme époque de "la démence coloniale".[33]
[1] A. GRÉGOIRE, Mémoire en faveur des gens de couleur ou sang-mêlés de St.-Domingue, Paris, Belin, 1789, réédité dans Oeuvres de l’Abbé Grégoire, 7 voll., Nendeln, KTO Press - Paris, Editions d’Histoire sociale [EDHIS dans les citations qui vont suivre], 1977, VI, 1 (le premier numéro indique le volume, le second la place du texte à l’intérieur du volume).
[2] Ibidem,
p. 48. Suit une liste des différents types de croisements
possibles entre les métis de noirs et de blancs. Le premier,
c’est à dire le résultat de l’union entre
blanc et noir, c’est le mulàtre. Ce terme est toutefois
souvent employé comme synonyme de gens de couleur ou sang-mêlés.
Julien Raymond, un homme de couleur de Saint-Domingue qui pérorait
à Paris la cause de gens de couleur, exclut toutefois de la dénomination
gens de couleur le mulàtre: “Un mulàtre est
le produit d’un blanc avec une noire. — On entend, par gens
de couleur ou sang-mêlés, le produit des mulàtres
entr’eux ou des mulàtres avec des blancs, et de leurs différentes
progénitures” (J. RAYMOND, Observations sur l’origine
et les progrès du préjugé des colons blancs contre
les hommes de couleur. Sur les inconvéniens de le perpétuer;
la nécessité, la facilité de le détruire;
sur le projet du Comité colonial, etc., Paris, Belin, Desenne,
Bailly, 26 janvier 1791).
[3] Dans la note déjà
citée, l’abbé Grégoire fait la liste des
résultats de ces croisements: mulàtre, grif,
marabou, carteron, tierceron, métis,
mamelouc, etc.
[4] J’ai lu le texte
dans la nouvelle édition entièrement revue et complétée
sur le manuscrit par B. MAURIEL - E. TAILLEMITE, 3 voll., Paris, Société
d’Histoire des Colonies françaises et Larose, 1958, I,
pp. 83-111.
[5] Debien nous dit qu’on
“les comptait sur les doigts avant 1755”: G. DEBIEN, Etudes
antillaises (XVIIIe siècle), Paris, Colin, 1956,
p. 37.
[6] Je cite les articles du
Code noir d'après L. SALA-MOLINS, Le Code noir ou le
calvaire de Canaan, Paris, Presses Universitaires de France, 1987.
[7] Dans les révisions
apportées en 1724 pour le territoire de la Louisiane, où
le seul mariage permis est celui entre un noir libre ou affranchi et
une esclave, le mariage entraîne la liberté de la femme
et des enfants.
[8] Y. DEBBASCH, Couleur
et liberté. Le jeu du critère ethnique dans un ordre juridique
esclavagiste, T. I: L'affranchi dans les possessions françaises
de la Caraïbe (1635-1833), Paris, Dalloz, 1967. Les recherches
de Debbasch avaient été anticipées par celles d'Auguste
Lebeau dans sa thèse pour le Doctorat en droit: A. LEBEAU, De
la condition des gens de couleur libres sous l'Ancien Régime,
Poitiers, Imprimerie A. Masson, 1903.
[9] DEBBASCH, Couleur et
liberté cit., p. 34. Dans L. PEYTRAUD, L'esclavage aux
Antilles françaises avant 1789. D'après des documents
inédits des Archives coloniale, Pointe-à-Pitre, Désormeaux,
1973), on peut lire: "Le gouverneur de Cayenne, Maillart, ayant demandé
à quelle génération les sang-mêlé
doivent rentrer dans la classe des blancs et peuvent être exempts
de capitation, le Ministre lui répond, le 13 octobre 1766: 'Il
faut observer que tous les nègres ont été transportés
aux colonies comme esclaves, que l'esclavage a imprimé une tache
ineffaçable sur toute leur postérité, même
sur ceux qui se trouvent d'un sang-mêlé; et que, par conséquent,
ceux qui en descendent ne peuvent jamais entrer dans la classe des blancs.
Car, s'il était un temps où ils pourraient être
réputés blancs, ils jouiraient alors de tous les privilèges
des blancs, et pourraient comme eux prétendre à toutes
les places et dignités, ce qui serait absolument contraire aux
constitutions des colonies' " (p. 426).
[10] RAIMOND, Observations
sur l’origine et les progrès du préjugé des
colons blancs cit., p. 13.
[11] Ibidem, p. 64,
n. 4.
[12] Ibidem, p. 70.
[13] DEBIEN, Etudes antillaises
(XVIIIe siècle) cit., p. 38: " Plusieurs
de ces libres sont dits 'sieurs' dans les actes [...]. Charlotte Fleury
est appelée demoiselle dans le procès-verbal d'arpentage
de la concession Ossé".
[14] Cfr. É. PETIT,
Traité du Gouvernement des esclaves, Paris, 1777, II,
p. 81 ( DEBBASCH, Couleur et liberté cit., p.72).
Julien Raimond fournit un exemple concret: "Plusieurs blancs, quoique
mariés à des femmes de couleur avoient été
élevés aux charges publiques [...]. Mais vers 1762, M.
Guérin, habitant riche de Jacmel, mari d'une femme de couleur,
ayant été élu marguillier de sa paroisse, fut dépossédé
de sa charge après quelques mois d'exercice, par un arrêt
du conseil du Port-au-Prince, qui déclaroit que les blancs, mésalliés,
ne pouvoient jouir de cet honneur" (RAIMOND, Observations sur l’origine
et les progrès du préjugé des colons blancs
cit., p. 9).
[15] P.-A. TARGUIEFF, La
force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles,
Paris, Gallimard, coll. "Tel", 1987, p. 339.
[16] Surtout dans A. GRÉGOIRE,
De la littérature des nègres, Nendeln, Kraus Reprint,
1971 [ Paris, Maradan, 1808].
[17] Sur l'effort d'objectivité
d'Hilliard d'Auberteil, cfr. aussi ce qu'écrit Jean-Pierre Brissot
dans son Discours sur un projet de décret relatif à
la révolte des noirs prononcé à l'Assemblée
Nationale le 30 octobre 1791, Paris, Imprimerie Nationale, 1791.
Le Discours a été réimprimé dans
le recueil La Révolution française et l'abolition de
l'esclavage. Textes et documents, Paris, Éditions d'Histoire
sociale, 1968, 12 voll. (EDHIS dans les citations qui vont suivre),
VIII, 9, p. 13: "Les mulâtres sont le vrai boulevard de Saint-Domingue
contre les révoltes des noirs; et si vous en doutez, messieurs,
consultez l'article Mulâtre de l'Encyclopédie,
écrit il y a trente ans; consultez vingt passages des Considérations
sur Saint-Domingue, d'Hilliard d'Auberteil, qui, quoique dévoué
aux blancs, leur a rendu justice".
[18] GRÉGOIRE, Mémoire,
p. 3. La citation des Considérations renvoie à
l'édition de Paris, 1777, t. II, p. 350.
[19] Ibidem, p. 4.
[20] Ibidem,
pp. 5-6.
[21] Ibidem, pp. 6-9.
[22] A. COURNAND, Requête
présentée à Nosseigneurs de l'Assemblée
Nationale, en faveur des gens de couleur de l'île de Saint-Domingue,
[Paris 1790]; A. GRéGOIRE, Lettre aux philanthropes, sur les
malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur
de Saint-Domingue, et des autres îles françoises d'Amérique,
Paris, Belin, 1790; ID., Lettre aux citoyens de couleur, et nègres
libres de Saint-Domingue, et autres Isles Françoises de l'Amérique,
[Paris], Imprimerie du Patriote François, [1791]; Lettres
des diverses Sociétés des Amis de la Constitution, qui
réclament les droits de Citoyen actif en faveur des hommes de
couleur des Colonies, [Paris], Imprimerie du Patriote François,
[1790]. La liste pourrait continuer. À toutes ces lettres et
pétitions il faut ajouter celles des gens de couleur. Je me limite
à en citer quelques-unes: Précis des gémissemens
des sang-mêlés dans les Colonies Françaises,
par J.M.C. Américain, Sang-mêlé, Paris, Baudouin,
1789; OGÉ JEUNE (VINCENT), Motion faite à l'Assemblée
des Colons Habitans de S. Domingue, à l'Hôtel Massiac,
Place des Victoires [Paris 1789]; Lettre des commissaires des
Citoyens de couleur en France, à leurs frères et commettans
dans les Isles Françoises, [Paris 1791]. Tous ces
textes ont été réimprimés dans le recueil
édité chez EDHIS.
[23] GREGOIRE, Mémoire
cit. , p. 18.
[24] A.-J.-T. BONNEMAIN, Régénération des colonies, ou moyens de restituer graduellement aux hommes leur état politique, et d'assurer la prospérité des Nations; et moyens pour rétablir promptement l'ordre dans les colonies Françaises, Paris, Imprimerie du Cercle Social, 1° mars 1792, EDHIS, V, 1, p. 59.
[25] J.-P. BRISSOT, Discours
sur la nécessité de maintenir le décret rendu le
15 mai en faveur des hommes de couleur libres, prononcé le 12
septembre 1791, à la séance de la Société
des Amis de la Constitution..., Imprimé par ordre de la Société,
S.l. [Paris], s.d. [1791], EDHIS, VIII, 8, p. 7, n. 1.
[26] BRISSOT, Discours
sur un projet de décret cit., pp. 14-16.
[27] Je me limite à
citer l'exemple le plus frappant qui est la Correspondance secrette
des Colons Députés à l'Assemblée Constituante,
servant à faire connaître l'esprit des colons en général
sur la Révolution, Paris, Imprimerie d'Anjubault, [1793],
EDHIS, VIII, 10.
[28] SALA-MOLINS, Le
Code Noir cit., p. 28.
[29] DEBBASCH, Couleur
et liberté cit., p. 186.
[30] B. DESLOZIÈRES,
Egaremens du nigrophilisme, Paris, Migneret, 1802, p. 29.
[31] J.- J. VIREY, Histoire
naturelle du genre humain, La Haye, Librairie Vervloet, 1834 [1803],
4 voll., II, art. VI: "Des mélanges de castes, ou des métis
de diverses races", pp. 119-133. Dans Virey nous trouvons le passage
repris par le "Grand Larousse", mais avec un correctif que le dictionnaire
laisse tomber: "Ces diverses castes mélangées, qu'on remarque
dans presque toutes les colonies, sont regardées comme la lie
du genre humain par la plupart des blancs, qui n'y voient que des bâtards,
résultats d'unions furtives, repoussés par la société
policée, et déshérités par les lois. Cependant,
les individus qui en proviennent sont, en général, robustes
et bien conformés, souples, agiles, nerveux, ce qui justifie
l'opinion que le croisement des races perfectionne les individus, comme
l'établissent Buffon et Vendermonde" (p. 132). Mais il conclut:
"C'est une observation générale que les mœurs se
pervertissent en proportion de ces mélanges" (p. 133).
[32] Vol. XI, p. 673.
[33] Y. BENOT, La démence
coloniale sous Napoléon, Paris, La Découverte, 1992.